Pensée et action politique du BDP-Gabon Nouveau


On prend les mêmes et on recommence...

Daniel Mengara, 25 janvier 1999

La chanson est connue, le disque rayé et la comédie devenue ennuyeuse. La nomination de Jean-François Ntoutoume Emane au poste de Premier ministre de la République gabonaise ne peut, malheureusement, garantir une amélioration quelconque de la situation au Gabon. De par ce qu'est son passé et l'idéologie qu'il représente, Ntoutoume Emane, valet inconditionnel de Bongo, ne pourra offrir à la nation que les mêmes politiques dépassées qui ont fait l'échec du régime Bongo après 31 ans d'incompétence.

C'est que, Ntoutoume Emane sera forcément prisonnier du système Bongo, un système tellement lourd, vaste et tentaculaire qu'il ne pourra être changé avec en son sein les mêmes sangsues bongoliennes qui sucent le sang de notre peuple depuis plus de trois décennies. Le système Bongo est tellement lourd et, par conséquent, immobiliste, qu'il ne pourra rien donner de bon avec cette manière qu'a Bongo de donner l'impression du changement par une simple rotation des membres de ses gouvernements fantômes à répétition. Résultat: le gouvernement se retrouve toujours avec les mêmes incompétences qui le deviennent encore plus en se retrouvant à des postes ministériels pour lesquels ils n'ont aucune qualification. Car, tout ce que Ntoutoume Emane possède, c'est la force du verbe, celle d'une bouche qui éjacule allègrement un verbe pompeux, mais sans la moralité d'un homme intègre. S'il y a une loi essentielle du système gabonais d'aujourd'hui, c'est que l'on ne peut à la fois être bongoïste et intègre.

Pourquoi ce verdict préliminairement si pessimiste de la nouvelle vieille chanson gouvernementale en cours de production par le système Bongo? Parce que:

1) Bongo croit pouvoir, par ses ruses habituelles, tromper un peuple qui aujourd'hui a mûri politiquement et qui ne peut plus, ne veut plus se laisser prendre, une fois de plus, à ce type de manipulations psycho-politiques. Il croit encore aujourd'hui nous tromper en nous composant une chanson intitulée "Bongo Yaya" au lieu de "Yaya Bongo". Il espère que nous nous laisserons prendre au son légèrement différent de "Bongo Yaya", parce que pour lui, "Bongo Yaya" n'est pas la même chose que "Yaya Bongo". Du moins, c'est ce qu'il veut nous faire croire.

2) Ntoutoume Emane fut le chef de campagne qui aida Bongo à gagner les élections gabonaises par la fraude. Cette nomination primaturienne doit donc être comprise comme la récompense de Bongo offerte à un accolyte de longue date qui, de surcroît, aura été l'instrument principal de sa réélection frauduleuse. En retour donc, l'on ne pourra rien attendre de bien significatif de la part de Ntoutoume Emane qui devra bien montrer à son maître la reconnaissance qui se doit, surtout quand on sait que cela fait bien quelques décennies que Ntoutoume Emane rêve de devenir Premier Ministre au Gabon. Bongo l'a souvent écarté parce qu'il le croyait trop intellectuel, donc dangereux comme potentiel rival. Finalement, quelques décennies de fidélité absolue ont finalement rassuré Bongo. L'argent de la corruption fait bien les choses. Il sait pacifier les intelligences les plus rebelles. Résultat: Ntoutoume, Number One. Enfin!

2) Ntoutoume Emane, comme l'ont été Mebiame Mba, Oye Mba et Obame Nguéma, est utilisé comme pion de la politique du régionalisme ethnique pratiquée par Bongo depuis la nuit des temps. Y a-t-il une loi au Gabon qui veut que le Punu, le Myéné, le Téké, le Ndzébi ou le Vili ne puisse jamais être nommé à ce poste? Tout ce que la nomination de Ntoutoume Emane démontre donc, c'est que Bongo ne s'est pas encore départi de sa manière ethnique de gérer les choses. De toute évidence, Ntoutoume Emane n'est pas nommé à ce poste parce que Bongo croit en ses compétences—il n'a jamais brillé pour cela, étant comme il l'est l'un des disciples et idéologues les plus inconditionnels de Bongo et de son système--, mais plutôt pour servir de paravent à la politique de corruption ethnique de Bongo.

Comprenez-nous bien: Bongo croit pouvoir contenter et corrompre chaque groupe ethnique en nommant un représentant qui calmerait les ardeurs belliqueuses des uns et des autres. A ce titre, la compétence compte pour très peu: seuls importent l'ethnie et le degré de fidélité. Ceux qui ont vu l'engouement de Bongo à vouloir, quelques mois avant l'élection présidentielle, créer de toutes pièces un poste de Vice-Président, pourront en témoigner: il s'agissait là aussi de préparer sa réélection par un poste de vice-président vide de pouvoir réel qui lui servirait à contenter un troisième groupe ethnique du pays, groupe qui se devait d'être suffisamment représentatif sur le plan idéologique (les Punus dans ce cas, par la nominaton de l'ami Divungi Didjob).

Le Gabon s'est donc retrouvé avec l'un des rares gouvernements au monde à disposer à la fois d'un président, d'un vice-président et d'un premier ministre. Dans la très écrasante majorité des systèmes politiques pratiqués dans le monde, les constitutions sont souvent basées sur un système présidentiel (couple président/vice-président), semi-présidentiel (couple président/premier ministre) ou sur un système de monarchie constitutionnelle (couple monarque/premier ministre). Au Gabon, nous avons les trois systèmes: un président indéracinable qui se monarchise au jour le jour, un vice-président symbolique qui n'a aucun pouvoir, et un premier ministre fantôme qui n'est pas le vrai responsable de la politique du gouvernement puisque c'est Bongo qui phagocyte et dispose de tous les pouvoirs de décision de l'état. Par conséquent, les autres institutions du pays ne lui servent que de façade.

Pourtant, au Gabon, rien ne nous interdit de nommer n'importe qui à ces postes, pourvu qu'il ait les compétences requises! Il existe bien au Gabon des Ndzébis, des Punus, des Myénés et autres groupes de chez nous qui disposent d'intelligences capables d'assumer les fonctions de Premier Ministre!

La grande question demeure donc la suivante: pourquoi Bongo s'entête-t-il à gérer ethniquement le Gabon au lieu de le gérer sur la base des compétences des uns et des autres? C'est parce que notre Monsieur n'a que son système de corruption des individus et des ethnies comme politique de maintien au pouvoir. Il sait qu'il n'y a que par ce type de corruption géopolitique qu'il pourra espérer sauver sa tête. Seulement, dans le Gabon d'aujourd'hui, Bongo se trompe lourdement. Il y a longtemps que les Gabonais ne se préoccupent plus de l'ethnie de la personne qui est Premier Ministre ou autre. Tout ce qu'ils veulent, c'est de la compétence. La nomination de Ntoutoume Emane ne pourra donc calmer les Fangs, si c'est cela son espoir. Les Fangs, tout comme les Punus, les Myénés, les Ndzébis, les Tékés et autres attendent tous aujourd'hui un vrai changement et un vrai développement économique. Ils ne trouveront aucune satisfaction ou motivation dans le cosmétisme d'un simple habillage ethnique, cosmétisme de l'habillage ethnique dans lequel Bongo est passé maître, mais qui risque de lui jouer des tours lorsqu'il se rendra compte que cela ne marche plus.

Bongo devrait donc par conséquent se souvenir du sort réservé à Léon Mba par le pays en 1964. Lors du coup d'état du lieutenant Mombo, aucun Gabonais, qu'il fût Fang, Myéné, Punu ou autre ne se leva pour défendre Léon Mba. TOUS nos compatriotes de l'époque avaient montré à Léon Mba qu'ils n'étaient pas près d'accepter une dictature au Gabon, quelque soit la personne au pouvoir. Aujourd'hui, les Gabonais diront à Bongo qu'ils n'ont rien à foutre d'un Fang premier ministre. Tout ce qu'ils attendent d'un premier ministre, quelque soit son ethnie, c'est non seulement la compétence, mais aussi la liberté d'action. Or, avec Bongo au pouvoir, aucun premier ministre n'aura assez de liberté pour mener quelque action de redressement économique que ce soit, parce qu'une telle liberté remettrait forcément en cause les fondements même du système Bongo.

Nous mettons donc Ntoutoume Emane et Bongo au défi de nous prouver le contraire. S'ils veulent nous démontrer qu'ils ont changé, qu'ils fassent ceci. Dès sa première déclaration de politique générale, voilà ce que Ntoutoume Emane devrait faire, s'il veut assainir et alléger les dépenses et charges de l'état:

a) Nommer une équipe restreinte de 12 ministres au maximum. Ministres qui doivent tous êtres compétents dans leur domaine (un économiste aux finances, un sociologue à l'action sociale, un universitaire à l'éducation nationale, un médecin à la santé, etc.).

b) se débarasser de tous les ministres délégués et autres secrétaires fantômes, permettant ainsi de réduire le gouvernement et l'administration au minimum. Se débarrasser aussi des postes inutiles qui sucent l'argent de l'état en salaires gagnés sur un travail fictif.

c) déclarer ouvertement tous les salaires réels de tous les ministres, ainsi que celui de Bongo.

d) nommer une commission parlementaire indépendante chargée de vérifier que les salaires déclarés sont corrects et que personne ne s'enrichit illicitement ou ne garde d'argent caché..

e) déclarer les biens de tous les membres du gouvernements et de tous les cadres de l'administration, y compris ceux à l'étranger.

f) faire rapatrier tout l'argent détourné par Bongo et tous les membres des gouvernements précédents. Abubakar du Nigeria l'a bien fait. Pourquoi pas Ntoutoume? Bongo lui-même devrait reverser les 3/4 des 500 millions de dollars détournés (dans les caisses de l'état).

g) Réduire tous les salaires ministériels, gouvernementaux, parlementaires et ceux des hauts cadres de moitié, c'est-à-dire, de 50%.

h) réduire les membres du parlement à 60 pour ce qui est de l'Assemblée nationale et à 20 pour ce qui est du Sénat.

i) Par solidarité nationale, verser 10% des salaires (réduits) des ministres et autres hauts cadres dans les caisses de l'état. Ceci ne devrait pas être trop lourd puisque les salaires des ministres et cadres gabonais sont souvent 20 fois plus élevés que ceux de leurs compatriotes africains, et même souvent plus élevés que ceux des ministres français.

j) La vente de toutes les villas possédées par les membres (nouveaux et anciens) du gouvernement à l'étranger. La moitié de l'argent récolté serait reversé dans les caisses de l'état. Puisque ces villas sont souvent construites grâce à l'argent détourné, interdire l'acquisition de biens immobiliers à l'étranger dont la source monétaire légale ne peut être vérifiée. Evidemment, nous savons que nos hommes d'état préparent acquièrent souvent ces villas pour parer à l'éventualité d'une fuite en cas de coup d'état. Il n'y aurait plus de raison de voler ou de préparer sa fuite puisque le pays vivrait dans la transparence et la démocratie.

k) Refuser toute nouvelle embauche par un ministre ou cadre de personnel d'état additionnel. Le personnel administratif de l'état doit rester le même, quelque soit le ministre, même si des permutations et affectations peuvent être effectuées. Toute nouvelle embauche doit correspondre à un départ à la retraite, une démission ou un licenciement. Ceci éviterait le gonflement de la masse salariale par des embauches arbitraires.

l) confisquer toutes les voitures de l'état actuellement allouées aux ministres et à l'administration. Ne donner qu'UNE SEULE voiture de fonction à chaque ministre ou à tout autre cadre qui le mérite de par sa fonction. Les frais de réparation doivent être à la charge des bénéficiaires. Ceux qui désirent des voitures additionnelles doivent les acheter de leur propre poche. L'état doit ensuite revendre tout le surplus de voitures récupérées aux enchères publiques et verser l'argent collecté dans les caisses de l'état. Comme mesure de rétorsion, retirer les voitures de fonctions à tous ceux qui en feront un usage privé (transport de passagers, etc.), avec risque de licenciement du poste occupé. Pour économiser en coûts de véhicules, ne plus acheter de voitures 4X4 aux membres du gouvernement et autres administrateurs, mais leur offrir à tous, comme en France, une seule marque de voiture modeste telle la Mitsubishi Galant: cette marque serait la voiture de fonction de tout le monde. Ceux qui veulent se doter de voitures sophistiquées et chères devraient le faire avec leurs propres économies. Lors de voyages à l'intérieur du pays, les membres du gouvernement devront se déplacer avec les voitures de fonction des préfets et des gouverneurs. Les chauffeurs devront êtres éliminés pour les voitures de fonction car tout ministre devrait être capable de conduire sa propre voiture.

m) supprimer tout paiement de salaire aux anciens ministres et autres anciens cadres du gouvernement. Ils devront tous se contenter de leur pension de retraite que le gouvernement devra, par des accords de gestion avec des établissements privés ou para-étatiques, garantir.

n) Bongo doit immédiatement supprimer sa Garde Présidentielle (GP) et l'intégrer dans l'armée gabonaise. La GP serait ainsi remplacée par une Garde républicaine de 120 soldats qui seraient sous les ordres directs du Ministère de la défense. Ceci permettrait de récupérer les énormes sommes d'argent actuellement allouées à la défense de Bongo.

o) établissement d'une commission d'audits qui vérifierait que les sommes allouées à chaque ministère sont gérées au centime près. Toute dépense, même de nourriture, doit comporter une facture et tout défaut de gestion supérieur à 1000FCFA devrait aboutir au licenciement du ministre ou cadre responsable du défaut de gestion. Aux Etats-Unis, l'on va bien en prison pour 1 dollar d'impôts non-payé. Pourquoi ne pourrions-nous pas établir la même rigueur?

p) Au lieu des frais de voyage faramineux alloués aux membres du gouvernement lors de leurs voyages, y compris Bongo, établir à l'avance des accords avec des hôtels et autres institutions qui seraient payées directement par l'état sur présentation de la facture. De cette manière, tous frais de déplacement seraient gérés directement par l'état et toute dépense facturée au centime près. Là encore, quelques milliards d'économie pourraient être faits puisque l'état ne paierait plus que les voyages officiels des membres de son administration.

Nous nous arrêterons là car nous n'allons pas faire le programme de Ntoutoume Emane à sa place.

Cependant, l'on voit bien qu'un tel traitement de choc devrait sans doute épurer et assainir les dépenses de l'état, tout en rendant à l'état la vigeur financière dont elle a besoin pour des actions sociales telles que la revalorisation du SMIG, la santé, l'école et la construction de voies routières bitumées qui désenclaveraient les régions agricoles du pays en vue d'un développement de l'agriculture au Gabon. Un tel traitement de choc devrait rapporter tellement de milliards au Gabon que la réalisation de tous les projets de développement dont le Gabon a besoin serait possible, en sus des revenus réguliers récoltés par les voies habituelles. En plus, la signature d'un pacte de solidarité nationale avec les multinationales en place devrait permettre au pays de dégager d'autres milliards en vue d'un développement économique viable qui profiterait à tous (état, pays, multinationales, peuple) à court, moyen ou long terme.

Mais nous savons que Ntoutoume Emane se sera pas capable de mettre en place une telle politique de redressement et de réduction du train de vie de l'état. Voilà pourquoi nous pensons qu'une nouvelle équipe est nécessaire car il n'y a que dans le contexte d'une nouvelle équipe que de tels traitements de chocs peuvent être appliqués. Par exemple, un nouveau ministre qui n'a jamais gagné 2 millions de FCFA sera content de ces 2 millions parce qu'il ne les a jamais gagnés auparavant. Par contre, le ministre habitué à gagner 10 millions de FCFA ne pourra jamais survivre à un tel choc. Par conséquent, un assainissement des dépenses de l'état passe nécessairement par un nouveau régime débarrassé des anciens pilleurs.

3) Pour avoir été pourri par son appartenance au système Bongo et pour avoir lui-même contribué à la réélection de son "Yaya", Ntoutoume Emane, ce vieux compagnon de la première heure de Bongo ne pourra rien offrir de nouveau au Gabon. Sa performance sera forcément piètre car, fier valet de Bongo, le nouveau "primaturé" du Gabon ne pourra que nous offrir une politique morte dans le ventre des bonnes intentions électorales: l'on peut donc conclure que la politique gouvernementale de Ntoutoume Emane, le nouveau "primaturé" est morte "prématurée" dans le ventre meurtrier des intelligences que représente le système Bongo.

4) Parce que Bongo se sert de son gouvernement comme paravent, l'on voit mal Ntoutoume Emane demander à Bongo de ne plus puiser dans les caisses de l'état pour leur bien personnel à tous. Déjà, c'est grâce à l'argent du Gabon que Bongo a fait sa campagne électorale, avec la bénédiction de Ntoutoume Emane. Si Ntoutoume Emane avait été un digne fils du pays, il aurait demandé à Bongo d'aller puiser l'argent de la campagne dans ses comptes bancaires en Suisse, en France et aux Etats-Unis. Seulement, comme l'on pouvait s'y attendre, les deux compères vidèrent allègrement les caisses de l'état, oubliant que Bongo, en pleine campagne électorale comme tout autre candidat, se devait d'utiliser ses moyens privés plutôt que ceux de l'état.

Par principe légal, l'utilisation par un chef de l'état des moyens de l'état pour les besoins de sa campagne électorale personnelle est illégale. Si notre Cour Constitutionnelle avait été indépendante, elle aurait normalement débouté Bongo du pouvoir car elle aurait constaté, 1) un abus des biens sociaux, 2) un détournement des deniers publics à des fins électorales, et 3) une corruption des citoyens à des fins électorales.

Constat et conclusion: cela s'appelle de la fraude électorale. Pour ceux qui savent interpréter les lois, la fraude électorale ne se passe pas qu'avec la manipulation des votes. Elle se passe aussi quand un candidat utilise les moyens de l'état à des fins électorales personnelles. Bongo a donc triplement fraudé lors des dernières élections présidentielles: il a volé le citoyen, a détourné l'argent du contribuable gabonais et a acheté les consciences avec l'argent de l'état en vue de se faire élire. Et tout cela sous le nez approbateur de Ntoutoume Emane, aujourd'hui Premier Ministre spécialement nommé pour protéger ses manigances secrètes avec Bongo.

Conclusion: Ntoutoume Emane ne peut être pour le Gabon qu'une marionnette consentante de plus, marionnette activée de l'Olympe bongolien par les bras cachés de celui à qui, comme un chien pour son maître, il va devoir une obéissance aveugle, de peur que ce même Bongo ne lui retire ses faveurs.

Comme nous le craignions donc, Bongo a encore une fois totalement râté sa reconversion. Une des lois naturelles les plus vieilles du monde est que l'on ne peut faire du neuf avec du vieux. Un changement de philosophie politique au Gabon et partout ailleurs passe donc forcément par une purification idéologique qui n'est possible qu'avec une équipe totalement neuve. Pour le Gabon, le signe le plus réconfortant qui eût pu donner un peu de sérieux à ce Bongo, qui se disait renouvellé, aurait été:

1) une dissolution de l'Assemblé nationale qui favoriserait l'émergence d'une nouvelle majorité parlementaire d'où serait sorti un nouveau gouvernement recommandé par un parlement neuf.

2) par conséquent, une équipe gouvernementale totalement neuve et débarrassée de TOUS les anciens serait formée qui, technocrate, s'attacherait à redresser l'économie du pays par une gestion responsable. Ce serait un gouvernement technocratisé dont le but serait uniquement de travailler à la reconstruction socio-économique, politique et culturelle de notre pays selon des principes d'assainissement et de gestion de l'état tels que ceux présentés ci-dessus.

3) une modification de la constitution qui ferait du poste de président un poste symbolique, permettant ainsi au premier ministre de devenir le seul vrai responsable de la politique gouvernementale, premier ministre dont l'équipe serait responsable devant le parlement, même si symboliquement nommée par le président sur recommendation du parlement.

Cependant, tout comme les gouvernements précédents, force est de constater que celui de Ntoutoume Emane échouera. Il échouera parce qu'il n'aura ni le courage, ni le pouvoir de mettre en oeuvre une politique austère qui mettrait en péril tout le système Bongo. Il échouera parce que l'on n'a pas entendu Bongo, tout au long de sa campagne, proposer des mesures de choc telles que celles que nous avons préconisées ci-dessus. Il échouera parce que tout ce que Bongo, tout au long de la campagne, avait su proposer aux Gabonais c'était le mot "PAIX". Seulement, comme on le sait, la paix ne remplit pas les ventres, la paix ne construit ni des hôpitaux, ni des routes, ni des écoles. Elle ne développe pas l'agriculture et n'assainit pas la gestion de l'état. Les grèves syndicales et étudiantes de ce mois de janvier ne sont donc que le précurseur des instabilités virulentes à venir qui viendront consacrer, une fois de plus, l'échec du système Bongo. Bongo et Ntoutoume échoueront parce que la paix que Bongo proposait, c'était la paix de le laisser piller le pays en paix, avec Ntoutoume Emane, son idéologue le plus acharné, aux commandes d'un gouvernement fantôme que, par ce moyen, ils contrôleraient férocement. Ntoutoume Emane échouera parce que, en fin de compte, Ntoutoume, c'est Bongo et Bongo, c'est Ntoutoume. Ntoutoume-Bongo échouera parce que Bongo-Ntoutoume, c'est du vieil habit. Un habit reste vieux, que l'on le porte par le revers, le travers ou le "pervers". Voilà pourquoi, en fin de compte, Bongo doit partir, pour que vive le Gabon, dans la prospérité d'une fierté retrouvée.

Daniel Mengara
BDP-Gabon Nouveau


Démocratie électorale et fraude

A. Principes électoraux généraux

La démocratie électorale représente ce qu'il y a de plus paradoxal dans tout système qui se dit démocratique. En fait, tandis que la démocratie comme système de gouvernement s'est populairement définie comme le pouvoir du peuple, par le peuple et pour le peuple, la pratique démocratique est elle restée loin de cet idéal. Il en va ainsi du vote électoral.

Le sondage récemment conduit par le BDP démontre ainsi à quel point le citoyen gabonais, qu'il soit intellectuel ou paysan, instruit ou non-instruit, a encore besoin que l'on l'informe sur les principes qui guident la pratique démocratique au niveau du vote. Avant que d'élaborer notre petite analyse, il convient de dégager quelques grandes lignes définissant la manière dont le vote se passe. Nous comparerons ensuite la situation électorale gabonaise à la situation électorale américaine pour voir les grandes tendances qui s'en dégagent.

Il convient de savoir que:

1) Lors d'un vote, ce n'est pas toute la population qui vote dans son entièreté. Par exemple, ce n'est pas parce que le Gabon comporte 1.200.000 habitants que nous devons nous attendre à voir toute la population voter. Pourquoi? Parce que dans une population, il y a des catégories de gens qui n'ont pas le droit de voter: étrangers (qui sont entre 150.000 et 250.000 au Gabon, les chiffres ne sont pas biens connus à cause du manque de recencement fiable), personnes qui ne sont pas en âge de voter (les moins de 18 ans), les détenus et autres personnes ayant perdu leurs droits civiques, les personnes non-inscrites sur les listes électorales, etc.

2) Lors d'un vote présidentiel ou autre, c'est presque toujours la minorité qui élit ses représentants, et jamais la majorité.

Par exemple, au Gabon lors des dernières élections présidentielles, il y eu 332.719 votes, ce qui ne représente que 28% de la population totale. Puisque Bongo avait officiellement obtenu 221.432 de ces votes, l'on peut conclure que Bongo n'a été élu que par 18% de la population gabonaise.

Aux Etats-Unis, lors des élections présidentielles de 1996, il y a eu 96 millions de votes, soit seulement 36% de la population totale du pays. Parmi ces votes, Clinton a obtenu 47 millions, soit 17% de la population totale des Etats-Unis.

Ainsi, quand un candidat obtient la majorité des votes, cette majorité fait souvent allusion au nombre de votants et non pas au nombre total de la population. Ainsi, les 66% obtenus par Bongo ne représentent en réalité que 18% de la population, alors que les 49% obtenus par Clinton ne représentent que 17% de la population totale.

Le vote démocratique dont on parle devient donc ainsi une donnée paradoxale puisque dans tous les pays du monde qui pratiquent la démocratie électorale, les leaders ne sont souvent élus que par une toute petite minorité de citoyens. Dans le cas de Clinton, il est élu par une minorité de 47 millions (17%) sur une population totale de 270 millions. Bongo, quand à lui n'est élu que par 221.432 personnes (18%), sur une population de 1 million 200.000 habitants. Ce qui ressort donc de ce constat est que l'élection démocratque n'est pas totalement démocratique puisque ce n'est qu'une minorité qui élit le chef ou le dirigeant. Cependant, la population accepte cette décision de la minorité comme si cette décision avait été celle de la majorité. A ce titre, une élection nationale devient tout simplement une sorte de sondage grandeur nature où l'opinion de 18% d'une population est capable de refléter l'opinion de la majorité de la population.

B. Election et sondage

A ce titre, on voit une très nette ressemblance entre une élection nationale et un sondage réalisé par les médias. Pour connaître l'opinion de la population à un moment donné sur un sujet donné, les organismes de sondage réalisent des sondages d'opinion en prenant comme échantillon une très infime partie de la population. Par exemple, les sondages CNN/Gallup prennent souvent comme échantillon 1000 habitants pour représenter ce que pensent 270 millions d'Américains. Ces sondages ont statistiquement 95% de chances de réfléter l'opinion exacte d'une majorité d'Américains au moment où le sondage est fait. Or, que représentent 1000 personnes sur 270 millions? Un maigre 0,000003%!! Cependant, grâce aux calculs scientifiques et statistiques qui sont faits, ces maigres 1000 personnes (0,000003%) peuvent valablement réfléter l'opinion de 270 millions de personnes. Voilà pourquoi lorsqu'une minorité élit un président de la république ou un représentant lors d'une vraie élection transparente, on peut considérer valide l'opinion de cette minorité parce que, statistiquement, cette minorité est capable de réfléter l'opinion de la majorité, tout comme un sondage basé sur un nombre insignifiant de sondés. Voilà pourquoi un sondage fait sur une population de 100 personnes est statistiquement capable de réfléter l'opinion de 1.000.000 de personnes.

Cependant, pour qu'un vote soit valide, il faut que le vote se fasse dans la transparence car c'est cette transparence qui rend valide ou crédible le résultat d'une élection ou d'un sondage. Et c'est là que s'arrête la ressemblance entre le Gabon et les Etats-Unis. Pourquoi? Parce que les élections aux Etats-Unis sont faites de manière transparente, alors que les élections au gabon ne le sont pas. Essayons de voir de quelle manière ces deux pays diffèrent l'un de l'autre quant à leurs processus électoraux.

C. L'élection et la population en âge de voter

Ainsi, si l'on fait une rapide arithmétique sur la population électorale gabonaise au cours des dernières élections, l'on peut dégager les principes suivants:

a) Le Gabon compte actuellement approximativement 1.200.000 habitants.

b) En regardant la structure des âges au Gabon, l'on voit que:

- 33% de la population est âgée de 0 à 14 ans. Cela veut donc dire que que l'on doit retirer du total de 1.200.000 les 396.000 qui correspondent à ces 33%. Cela laisse donc un total de 804.000 habitants âgés de 15 à 65 ans et plus.

- Puisque l'âge qui donne le droit de vote au Gabon est 18 ans, il faut encore retirer de ce total de 804.000 les jeunes âgés de 15 à 17 ans qui n'ont pas encore le droit de voter. Les jeunes âgés de 15 à 17 ans peuvent s'estimer approximativement à 7% de la population (sur la base de la tendance observée dans la tranche de 0-14, une année vaut 2,4% de la population), ce qui équivaut à une population de 84.000 habitants âgés de 15 à 17 ans.

-Ceci veut donc dire que les moins de 18 ans (0-17 ans) au Gabon, représentent près de 40% de la population, soit 480.000 habitants, tandis que la tranche de 18 à 65 et plus se dénombrerait à 720.000 habitants.

- Puisque l'on sait qu'au Gabon, il y a à peu près 200.000 étrangers, l'on peut appliquer les mêmes pourcentages de tranches de population pour trouver la distribution par âge au sein de la population étrangère. Nous obtenons donc les chiffres suivants: population étrangère âgée de 0 à 17 ans = 80.000 (40% des 200.000); population étrangère âgée de 18 à 65 ans et plus = 120.000 (60% des 200.000).

- pour obtenir la population gabonaise autochtone réelle par tranches d'âge, nous pouvons donc faire la soustraction qui s'impose: 480.000 (habitants âgés de 0 à 17 ans) – 80.000 (étrangers de la même tranche) = 400.000 Gabonais réels âgés de 0 à 17 ans. Pour ce qui est de la tranche supérieure, on ontient les chiffres suivants: 720.000 (habitants âgés de 18 à 65 ans et plus) – 120.000 étrangers = 600.000 Gabonais âgés de 18 à 65 ans et plus.

Conclusion:

La population gabonaise réelle peut donc, une fois les étrangers retirés, être estimée à 1.000.000, ce qui équivaut à 400.000 Gabonais âgés de 0 à 17 ans, et 600.000 Gabonais âgés de 18 à 65 ans et plus. En termes électoraux, ceci veut dire que seulement 600.000 (60%) des Gabonais sont en âge de voter.

D. Fraude électorale

Là où les calculs ci-dessus deviennent intéressants au niveau des dernières élections présidentielles au Gabon est que:

1) Le nombre d'inscrits sur les listes électorales gabonaises était de 626.200. Ceci veut dire que:

a) Le nombre d'inscrits sur les listes électorales au Gabon était de 4% supérieur au nombre total de la population en âge de voter: c'est là le premier signe de la fraude électorale au Gabon.

b) Sur le plan statistique, il est impossible que le nombre de votants soit égal ou supérieur à la population en âge de voter. Cette impossibilité se traduit par le fait que ce n'est pas tout le monde qui est en âge de voter qui s'inscrit sur les listes électorales. Dans un pays comme le Gabon où l'administration est chroniquement mal organisée et les méthodes de recensement scientifique presqu'inexistantes, il est scientifiquement et statistiquement impossible que tous les Gabonais en âge de voter aient pu se faire inscrire sur les listes électorales. De plus, les paysans gabonais, à cause du manque de voies et de moyens de communication votent nettement moins que les citadins. Il est donc à estimer que la tranche paysane du Gabon n'a donc pas pu voter et n'a jamais pu vraiment voter aux élections gabonaises. Il est aussi peu probable que cette population ait pu aller se faire inscrire sur les listes électorales. Puisqu'environ 30% de la population vit dans des zones non-urbanisées, l'on peut donc supposer qu'au moins 20% de ces 30% (2/3 = 67%) n'aura pu aller voter pour les diverses raisons ci-dessus, parmi d'autres. Cela fait donc que la population potentiellement capable de voter se réduit à 480.000 (nous avons retirés les 20% de paysans incapables de se rendre aux bureaux de votes = 120.000).

c) Nous nous retrouvons donc avec une population potentiellement capable de voter qui s'élève à 480.000 Gabonais, déjà très en dessous des 626.200 votants présentés par Bongo. Cependant, la population potentiellement capable de voter ne se rend jamais totalement aux urnes car il faut d'abord qu'elle se fasse enregistrer sur les listes électorales. Or, connaissant le fonctionnement de l'administration gabonaise et ses défauts de recencement, il est impossible que les 480.000 Gabonais potentiellement capables de voter aient tous pu se faire enregistrer sur les listes électorales. Même dans les pays développés, la population en âge de voter ou potentiellement capable de voter n'a jamais représenté 100% des inscrits car ce n'est pas tout le monde qui se fait recenser comme votant.

Comparons les chiffres gabonais avec les chiffres américians lors des élections présidentielles américaines de 1996.

E. Les élections présidentielles américaines de 1996.

Lors des élections présidentielles américaines de 1996, l'Amérique comptait à peu près 270 millions d'habitants. Sur les 270 millions, 196 millions (59%) étaient en âge de voter. Cependant, parce que ce chiffre, dans le système américain, inclue les étrangers résidant aux USA, l'état ne tient pas compte de ce chiffre comme donnée réelle. Par contre, parce que l'état américain a un système de recensement efficace qui permet aux gens de s'enregistrer sur les listes électorales lorsqu'ils font leurs diverses démarches administratives, les Américains ont une idée assez exacte de qui a le droit de voter et qui ne l'a pas (par exemple, l'on n'attend pas les élections pour choisir de se faire inscrire sur les listes électorales; l'on peut le faire lors de l'obtention de son permis de conduire, lorsque l'on va à la mairie, etc. Les formulaires sont partout pour cela et on peut le faire à tout moment, mais jamais au dernier moment. Après remplissage du formulaire, même trois ans avant l'élection, l'état vérifie que vous avez bien le droit de vote en s'assurant que vous n'êtes ni étranger, ni un mineur, ni un détenu, ni un citoyen ayant perdu ses droits civiques. Grâce à ce système d'enregistrement continu, les Américains ont toujours des listes électorales à jour). Ainsi, lors des élections présidentielles de 1996, les Américains enregistrés sur les listes électorales étaient au nombre de 146.000.000, soit 54% de la population totale du pays.

Seulement, lors du vote présidentiel américain, seulement 96 millions de ces 146 millions sont allés voter, soit 68% des inscrits, ce qui veut dire uniquement 36% de la population totale du pays. En gros, ce que le système américain démontre c'est qu'il est impossible, à une élection donnée, de faire le plein de tous les inscrits. 100% de votants enregistrés sur les listes électorales est un chiffre presqu'impossible à atteindre.

Or, dans le système Bongo, l'on veut nous faire croire que toute la population en âge de voter (104%) a pu se faire inscrire sur les listes életorales, alors que statistiquement, c'est impossible. Comme nous l'avons dit:

1) la population en âge de voter au Gabon se situerait dans les environs de 600.000, alors que la population potentiellement capable de voter se situe à 480.000. Il est donc impossible que le Gabon ait pu se retrouver avec 626.000 inscrits sur les liste électorales.

2) En présentant au pays un chiffre d'inscrits de 626.000, Bongo veut donc nous faire croire que la population en âge de voter au Gabon se situe à près de 800.000 ou plus. Or, ceci est impossible si l'on tient compte du fait que 40% de Gabonais réels (400.000) sont en dessous de l'âge de vote, et que nous avons près de 200.000 étrangers au Gabon.

3) En gros, si l'on tient compte de ces deux tranches de la population, l'on sait déjà que 600.000 des 1.200.000 habitants que compte le Gabon n'ont pas le droit de vote. Cela veut donc dire que les 626.000 inscrits de Bongo sont surévalués car ils ne tiennent même pas compte du fait que ce n'est pas tous les habitants en âge de voter qui décident de se faire inscrire sur les listes électorales ou qui a la capacité de se déplacer pour se faire inscrire (par exemple, 65% de nos paysans en âge de voter n'ont pas les moyens de se rendre sur les lieux de recensement sur les listes électorales). et que plusieurs d'entre eux ne se déplacent jamais pour voter.

Comparons donc les élections présidentielles américaines aux élections présidentielles gabonaises par les chiffres:

USA

Inscrits: 54% de la population totale, soit 74% de la population en âge de voter.

Clinton: élu par 17% de la population totale.

GABON:

Inscrits: 52 % de la population totale, soit 104% de la population en âge de voter

Bongo: élu par 18% de la population totale.

On voit donc tout de suite la grosse différence. En Amérique où le recensement des votants potentiels est très bien organisé, les inscrits ne représentent que 74% de la population en âge de voter (soit 146 millions), alors qu'au Gabon, où le recensement et les inscriptions sont très loin d'être fiables, on obtient des chiffres faramineux où le nombre d'inscrits 626.200 est supérieur au nombre de personnes en âge de voter (600.000) ou au nombre de personnes potentiellement capables de voter (480.000). Pour que de tels chiffres soient vrais, il faut que le Gabon ait le système de recensement le plus performant au monde, qu'il ait la population la plus instruite du monde, les meilleures voies de communication au monde, que tous ses habitants en âge de voter disposent d'une voiture pouvant les emmener en ville ou dans les centres d'enregistrement pour se faire enregistrer sur les listes électorales, que le pays ait la meilleure administration du monde lui permettant de faire inscrire tout ce qui existe comme électeur potentiel au Gabon, sans en râter un seul.

Or, connaissant le Gabon, cela est totalement impossible. Comment alors peut-on expliquer que l'administration gabonaise ait fait le plein de tous les électeurs gabonais alors que tous les autres pays n'y arrivent jamais?

A cause de ces inconsistances mathématiques, l'on peut en effet conclure à une fraude électorale massive au Gabon car il est impossible de faire inscrire TOUS les électeurs disponibles dans un pays sur les listes électorales.

12 février 1999

BDP-Gabon Nouveau