Révélations: Politique et Economie

Cette page mène à quelques dossiers chauds sur les malversations politiques et économiques du régime Bongo. Prière de nous faire parvenir par e-mail tout article ou référence appartenant à cette rubrique (comme attachement sous Word ou Wordperfect de préférence) à cette adresse: bdpgabon@home.com.

BONGO RATE CLINTON

(LA LETTRE DU CONTINENT n°328 du 06/05/99)

La récente visite du président Bongo aux Etats-Unis pourrait agréablement illustrer un petit manuel diplomatique sur "Comment rater son voyage présidentiel aux Etats-Unis" en trois chapitres: la guerre des lobbyistes, la guérilla de l'entourage, et le portefeuille à sec. L'exercice était il est vrai difficile transformer une petite visite privée avec une très forte délégation (76 personnes) en visite officielle avec photo pour le retour de Bill serrant la main d'Omar. Depuis quelques mois, le Gabon, qui va présider au mois de mai le Conseil de sécurité des Nations unies, avait pourtant totalement aligné sa politique sur celle des Etats-Unis, votant même à l'ONU contre la demande du Soudan de faire une enquête après le bombardement de "l'usine chimique" de Khartoum... Rien ne s'est passé comme prévu. Malgré les pressions exercées sur la Maison Blanche par plusieurs membres du Black Caucus, la rencontre avec le conseiller de Bill Clinton pour les affaires de sécurité, Sandy Berger, a été supprimée à la demande de la sous-secrétaire d'Etat aux affaires africaines, Susan Rice. Le président américain devait faire une apparition pendant cette rencontre pour quelques photos... Furieux de ce ratage, Bongo a répliqué en annulant plusieurs rendez-vous, en particulier celui avec la secrétaire d'Etat Madeleine Albright (qui lui "garde un chien de sa chienne"). Les initiatives contradictoires d'une dizaine de cabinets de lobbying (voir page 6) n'ont fait qu'ajouter à la confusion…

En définitive, le président gabonais n'a pu s'entretenir qu'avec deux membres du gouvernement: le secrétaire d'Etat à l'énergie Bill Richardson et le secrétaire aux Transports Rodney Slater. La version "privée" de la visite a été plus riante pour le président Bongo, en particulier lors des retrouvailles avec son "vieux complice" Maurice Tempelsman (Lazare Kaplan) et au cours d'autres entretiens avec des sponsors du séminaire "1999, Attracting Capital to Africa Summit" de Houston: Ocean Energy, Enron International, Boeing, General Motors, Eli Lilly Africa, GoodWorks International, HSBC Equator Bank... Il ne restait plus que les rencontres "douloureuses" avec Michel Camdessus du FMI et Joseph Wolfenshon de la Banque mondiale pour tenter de trouver une porte de sortie à la crise financière qui étrangle le pays (LC N°324).

Ce sont justement les sous qui ont le plus manqué au cours de ce voyage (souhaitons aux lobbyistes d'avoir été payés avant !). Arrivé le 19 avril au Four Seasons Hotel avec sa petite troupe, Omar Bongo n'avait pas sur lui la caution de 50 000 $ nécessaire pour installer tout le monde. Le reste de la délégation a attendu une heure dans les couloirs de l'hôtel... L'ambassadeur du Gabon à Washington étant lui aussi apparemment sans le sou, c'est le directeur du cabinet privé de Bongo, Michel Teale (qui anime avec son frère à Libreville la boîte de nuit Le Cabaret), qui a donné sa propre carte de crédit pour "couvrir" au moins la suite du président...

Deux jours plus tard, c'est le cabinet de Joe Szlavik qui a dû fournir les 75 000 $ de caution à l'hôtel ! Que pasa ? Omar Bongo avait envoyé avec son jet Jean-Marie Adzé, directeur adjoint du cabinet présidentiel et Abbas Haïdara (voir LC N°293, Affaire Morning Star), chercher du "liquide" en Suisse. Mais non seulement ces porteurs de beaux papiers ont dû attendre en Suisse l'ouverture des banques le lundi, mais des problèmes de visas pour les pilotes de l'avion les ont bloqués à New York. Ils ne sont arrivés au Four Seasons que mercredi, et la distribution des enveloppes (notamment celle de 60 000 $ au Corporate Council of Africa pour la participation du Gabon au colloque de Houston) n'a commencé que trois heures avant le départ pour Houston ! Misère. Le président gabonais va venir du 8 au 13 mai se faire consoler à Paris par Jacques Chirac… et Lionel Jospin (une première !). Il ne restera plus ensuite qu'à trouver 500 milliards F CFA pour combler le trou de la trésorerie gabonaise…


SIMON MALLEY DANS LA "MAISON DU GABON"

(LA LETTRE DU CONTINENT n°328 du 06/05/99)

Le patron du Nouvel Afrique-Asie s'est rendu à Libreville, où il n'était pas allé depuis six ans, pour comprendre les raisons ayant "poussé" ses concurrents de Jeune Afrique à casser la baraque d'Omar Bongo ("La chute de la maison Gabon"), alors que le locataire depuis 32 ans du palais de la Rénovation "n'a cessé de leur accorder ses largesses". Fruit de cette enquête, aiguillonnée par le seul goût de l'investigation: cinq pages d'entretiens étoffées de moult photos à la gloire du grand pacificateur de l'Afrique centrale. Avant publication, le BAT a été envoyé à plusieurs rédactions parisiennes, pour qu'elles fassent écho aux "révélations exclusives" de Simon Malley. Dont celle-ci, capitale: "J'avais fait la connaissance d'Omar Bongo par l'intermédiaire du président José Eduardo Dos Santos, lorsque nous étions tous les trois de passage à l'ONU". Misère.

LE JACKPOT DES LOBBYISTES US ?

(LA LETTRE DU CONTINENT n°328 du 06/05/99)

Si l'échec de la visite "privée" du président Bongo aux Etats-Unis n'est pas dû, sur le fond, à ses moult lobbyistes américains, la guéguerre qu'ils se mènent entre eux n'a pas vraiment permis d'assister une organisation présidentielle gabonaise déjà confuse. Les lobbyistes américains "déclarés" à fin 1998 comptaient Shandwick Public Affairs, Pierre Salinger et Jacqueline Wilson, femme de Joseph Wilson - ancien ambassadeur au Gabon et ancien conseiller Afrique de Bill Clinton - qui était également très présent dans les manifestations de cette visite… A ces trois cabinets s'ajoutait l'intervention pour la presse de Jean-Marie Coulbary (United World Communications). Mais le véritable chef d'orchestre de cette visite était Joseph Szlavik de Scribe Communications - qui n'est plus sous contrat de "lobbyiste" avec le Gabon - mais a coordonné les activités de trois autres "communicants": Southall Walker, un cabinet très proche du Black Caucus, The Meritt Group, une firme qui dispose d'excellents contacts au Parti républicain et l'Arlington Research Group, qui appartient à l'ultra républicain Richard Sincere.

Après Washington, Bongo a passé trois jours à New York où il est resté la plupart du temps aux Nations unies. "Hors ONU", deux autres cabinets - Loud and Clear Communication et le cabinet d'avocats Verner, Liipfert, Bernhard, Mc Pherson & Hand - avaient été engagés pour organiser deux événements: une visite à la bourse et une rencontre avec le maire, Rudolph Giuliani. Bongo a rencontré le 22 avril le chairman du New York Stock Exchange, Richard Grasso, pour lui parler de ses projets de Bourse de Libreville… Les seuls qui se réjouissent réellement du ratage de cette visite (voir édito) sont le cabinet Barron-Birrel, qui avait lui-même organisé une visite avortée en 1998 et voit d'un très mauvais oeil Joseph Szlavik en pole position dans ce pays, et le cabinet Cassidy & Associates qui tente de s'emparer du contrat du Gabon. Son président, Gerald Cassidy, s'est d'ailleurs entretenu du dossier avec le ministre gabonais des Finances, Emile Doumba, le 29 avril à 16 h. A l'année prochaine…


REMANIEMENT DES BOUDEURS
(LA LETTRE DU CONTINENT n°323 du 18/02/99)

A peine un mois après la formation de son nouveau gouvernement, le président Bongo a été obligé de remanier son gouvernement pour satisfaire quelques barons boudeurs pas contents de leur portefeuille. L'ancien secrétaire général du PDG Jacques Adiahénot, qui n'était pas du tout heureux de quitter la communication pour le Tourisme, l'Environnement et de la Protection de la nature, même avec un titre de "ministre d'Etat" (il vaut mieux en effet gérer les permis forestiers que protéger la nature !), hérite du portefeuille de l'Habitat, du Cadastre et de la Ville qu'avait conservé le premier ministre Jean-François Ntoutoume Emane (qui a dû se faire tordre le bras pour le céder).

C'est Martin-Fidèle Magnana, sans doute le premier homme à être nommé ministre de la Condition féminine, qui récupère le portefeuille de Jacques Adiahénot et devient ainsi "l'écolo" du gouvernement. Il laisse lui-même, tout "naturellement", son maroquin de la Femme à son ministre délégué, Victoire Lassény-Duboze, chargée donc de la Solidarité nationale, de la Famille et de la Condition féminine. De son côté, l'ancien premier ministre Paulin Obame Nguema, qui avait déjà dû quitter son fauteuil doré à la Primature pour un fauteuil un peu moins moelleux de ministre d'Etat, de la Santé publique, de la Population et des Affaires sociales, se retrouve, à l'issue du remaniement du 10 février, sur un simple strapontin de ministre des Affaires sociales. Mais quel crime de lèse-majesté a donc commis le gentil Paulin ? C'est son ministre délégué Faustin Boukoubi qui devient ministre de la Santé publique, à part entière.

D'autres mécontents n'ont toutefois pas obtenu satisfaction. Casimir Oyé Mba, qui a dû quitter la tête de la diplomatie gabonaise pour le portefeuille de la Planification (en cette période de Ramadan financier, les plans sont plutôt à court terme...), n'a pas bougé. De même, son successeur au ministère des Affaires étrangères et de la Coopération, Jean Ping, serait "moyennement" heureux. La plupart des dossiers diplomatiques sensibles sont "traités" à la présidence par son ex-femme, Pascaline Bongo, directrice du cabinet présidentiel, qui avait occupé ce portefeuille des Affaires étrangères (1991-1994).


MODESTE PRESENCE FRANÇAISE POUR L'INVESTITURE DU PRESIDENT BONGO
(LA LETTRE DU CONTINENT n°322 du 04/02/99).

Hormis l'ambassadeur de France, aucun officiel français n'a fait le déplacement pour l'investiture du président Omar Bongo. Seuls les trois fidèles anciens lieutenants de Jacques Foccart étaient présents: l'avocat Robert Bourgi, qui avait organisé le voyage des observateurs magistrats français à Libreville le week-end des élections (LC N°319), l'ancien ministre de la Coopération Michel Aurillac, qui travaille parfois avec le premier dans le cadre du cabinet Vovan & Associés, et l'ambassadeur Fernand Wibaux, conseiller officieux de Jacques Chirac (il conserve un bureau au 14 rue de l'Elysée, à deux pas de la "cellule" Afrique du 2 dirigée par Michel Dupuch) et mentor sur l'Afrique d'Henri-François Pinault (alors PDG de CFAO), fils de François Pinault.


GOUVERNEMENT RETRO ET "RENO"
(LA LETTRE DU CONTINENT No. 322 du 04/02/99)

"Un gouvernement imaginatif et de combat", avait promis Omar Bongo lors de son discours de fin d'année. L'imagination a vite tourné en "récompenses" des directeurs de campagne du candidat Bongo. Sur 42 ministres au total, on ne compte comme "ministres pleins" que trois nouveaux: Richard-Auguste Ounouviet, directeur général de la BGD, aux Eaux et Forêts; Emile Doumba, le puissant directeur de la BICIG, aux Finances; et Noël Mboumba Goma, un proche du vice-président Divungi di Ndinge, à l'Agriculture. Voilà pour le côté rétro.

Le volet "réno" est marqué par le positionnement de l'équipe des "Rénovateurs" conduite par Ali Bongo, fils du chef de l'Etat, qui obtient aujourd'hui ce qu'il avait demandé au "Papa" au moment des Accords de Paris avec l'opposition! Ils avaient alors proposé la nomination de Jean-François Ntoutoume-Emane comme premier ministre contre Casimir Oyé Mba (leur cible favorite) et des portefeuilles pour eux. C'est fait: non seulement Ntoutoume est effectivement aujourd'hui premier ministre, mais le seul vice-premier ministre est également un ancien "réno", Emmanuel Ondo Methogo, tandis qu'Ali Bongo prend la Défense, André Mba Obame l'Education nationale (tout en restant porte-parole du gouvernement), et Jean-Rémy Pendy-Bouyiki la Communication. Seul "petit" détail: la plupart de ces "rénos" sont devenus aujourd'hui des "caciques", et sont souvent en bisbille les uns avec les autres. Bref, il n'y a toujours qu'un seul chef au Palais du bord de mer qui vient, en plus, de remettre son fils dans le peloton des dauphins...

Les deux très mécontents de leurs portefeuilles sont Casimir Oyé Mba - qui prend, avec la Planification, une belle voie de garage au profit de Jean Ping, ministre d'Etat, des Affaires étrangères et de la Coopération, plus que jamais l'éminence grise du chef de l'état -, et Jacques Adiahénot, ex-SG du PDG, qui est nommé au Tourisme, à l'Environnement et à la Protection de la nature (dur de protéger la forêt!)


DES MINISTRES "CADEAUTES"
(LA LETTRE DU CONTINENT No. 320 du 07/01/99)

Lors des conseils des ministres du prochain gouvernement gabonais - qui sera annoncé après l'investiture du président Bongo, le 20 janvier -, il faudra rallonger la table. Pour récompenser tous ses aficionados, le président devra en effet aligner au moins cinquante maroquins. Comme toujours, le premier ministre sera un Fang de l'Estuaire. Le nom le plus souvent avancé est celui d'Emmanuel Nzé-Békalé, directeur général des Ciments du Gabon et ancien patron de la CNSS (Caisse nationale de la sécurité sociale): il était le discret mais successful directeur de campagne dans la province de l'Estuaire. Paulette Missambo ne sera donc pas premier ministre (LC NO. 319), mais plus vraisemblablement vice-premier ministre, à condition que le ministre d'Etat Zacharie Myboto quitte le gouvernement pour le Parti démocratique gabonais (PDG) comme conseiller du président fondateur. Sa fille Chantal Myboto, actuellement conseiller personnel du président, pourrait alors rentrer au gouvernement.

Les trois autres vice-premiers ministres seraient également des directeurs de campagne du "candidat" Bongo: Emmanuel Ondo-Methogo pour le Woleu-Ntem et l'Ogooué Ivindo, Antoine Mboumbou Miyakou pour la Ngounié et la Nyanga, et Jean Ping pour le Moyen Ogooué et l'Ogooué Maritime. Neuf postes de ministres d'Etat devraient par ailleurs être créés dont l'un pour récompenser l'actuel secrétaire adjoint du PDG, René Ndémézo-Obiang, qui laisserait alors sa place de président du groupe PDG à l'Assemblée nationale à Isidore Djenno. Parmi les ministres sortants circulent les noms de Marcel Doupamby, qui pourrait être remplacé aux Finances soit par Paul Toungui (actuellement au Pétrole), soit par le "Grand Maître" Richard Onouviet, directeur général de la BGD (Banque gabonaise de développement) et protégé de George Rawiri. Le ministre d'Etat Jean-François Ntoutoume est également donné comme "sortant", ainsi que le ministre du Commerce et de l'Industrie Martin Fidèle Magnaga, le ministre délégué à l'Habitat André Jules Njambe et le ministre de la Marine Marchande Joachim Mahotès Mgouindi.

Nommer ne sera pas trop difficile. Payer sera une autre paire de manches en 1999, année de Ramadan financier attendue au Gabon. Au total, le trésorier payeur général (actuellement Jean Massima, qui pourrait être remplacé) devra assurer le salaire d'une cinquantaine de ministres (sans compter les Hauts commissaires), 120 députés, 91 sénateurs, neuf membres du conseil constitutionnel, neuf membres du conseil de la communication et environ 50 généraux.


LES TRES CHERS AMIS D'OMAR BONGO
(LA LETTRE DU CONTINENT No. 319 du 17/12/98)

Voilà. C'est fait. Le président Omar Bongo a été réélu dès le premier tour avec 66,9 % des voix, améliorant son score à chaque élection... Preuves à l'appui, les chefs de l'opposition ont contesté ce résultat puis se sont mis aux abris. Radio-Soleil, la "voix" radiophonique des Bûcherons, est à nouveau "brouillée". Everything is under control. Les directeurs de campagne qui ont mouillé la chemise pour le candidat Bongo n'attendent plus que leur marocain de ministre, et les "amis" étrangers qui ont mené à bien le lobbying pour "sauver le soldat Bongo", au nom de la stabilité régionale, guettent le facteur avec leur carton d'invitation pour l'intronisation de Bongo IV, le 20 janvier prochain. Tout a été bien cadré et préparé de longue date, tant sur le plan des techniques électorales que sur celui de la validation des résultats par la haute magistrature française.

Or c'est peut-être cette dernière opération qui a failli gâcher la fête. A trop vouloir faire plaisir, les "amis" français, plus "bongoïstes" que Bongo et toujours en concurrence au Palais du bord de mer, en ont rajouté... Etaient-ils ainsi bien utile que ces magistrats - qui ont "couvert" comme observateurs les élections du 7 décembre - soient déjà présentés au "candidat Bongo" lors de sa visite à Paris à la mi-octobre? Ils étaient accompagnés, pour leur entretien au Crillon, de Me Robert Bourgi, avocat du président gabonais. Ce dernier a toujours fidèlement rendu compte de ses activités au secrétaire général de l'Elysée, Dominique de Villepin. Le président gabonais avait-il vraiment besoin d'être rassuré alors que quasiment toute la classe politique française, à commencer par le président Jacques Chirac lui-même, Roland Dumas (son "ami intime") et des personnalités aussi diverses que Charles Pasqua, Michel Rocard et Hervé Bourges le soutiennent comme un seul homme? Il semble qu'Omar Bongo - qui n'avait déjà guère apprécié le communiqué du Parti socialiste français appelant à des "élections transparentes" - ait par la suite été tout marri que le premier ministre Lionel Jospin ne vienne pas lui rendre visite au Crillon. A tel point que sur la double recommandation de Dominique de Villepin et de Roland Dumas, il avait envoyé sa fille Pascaline Bongo (ministre-directeur de son cabinet) chez Olivier Schramek, directeur de cabinet de Lionel Jospin. On ne peut d'ailleurs pas vraiment dire que le gouvernement se soit précipité pour féliciter Omar Bongo après sa réélection triomphale. Et certains gestes de mauvaises humeurs, comme celui de mettre en quarantaine l'officier de renseignement de l'ambassade de France, montrent qu'on rumine au Palais du bord de mer...

Mais oublions ces trouble-fête. Le "faiseur d'image" Thierry Saussez mobilise déjà toute la presse française pour venir sacrer Bongo IV le 20 janvier. Tous les anciens du village franco-africain seront également du voyage ainsi que les petits nouveaux, comme l'ancien ministre de la coopération Michel Roussin. Aujourd'hui président du Comité Afrique du MEDEF (ex-CNPF), le balladurien Roussin, qui a mené une campagne aussi discrète qu'active pour "le soldat Bongo", a déjà été nommé administrateur de la Comilog (Compagnie minière de l'Ogooué). Ce qui ne lasse pas d'inquiéter les chiraquiens, persuadés qu'il veut "piquer le boulot" de Claude Villain, président de Comilog et ami de trente ans de Jacques Chirac. Ce dernier pourrait d'ailleurs faire un saut à Libreville lors d'une première visite au Cameroun prévue en début d'année. Outre Jacques Vergès et Robert Bourgi, le chef de l'Etat gabonais s'est par ailleurs adjoint les précieux services du constitutionnaliste Charles Debbasch. Déjà conseiller personnel du général-président Eyadéma, l'ancien président de la Fondation Vasarely est également "sous contrat" au Congo-Brazzaville comme conseiller du secrétaire général du gouvernement pour rédiger une nouvelle constitution. Très "présidentielle". Of course. C'est fou ce que la démocratie en Afrique donne comme boulot aux magistrats, professeurs de droit et avocats français.


 LE PLAN D'ARMEMENT D'IDRISS NGARI
(LA LETTRE DU CONTINENT n°318 du 03/12/98)

Pendant les dures épreuves électorales, le ministre de la Défense Idriss Ngari ne chôme pas. Avec ses conseillers français, il a présenté un plan d'achat de missiles sol-air qui pourraient sécuriser les aéroports de Libreville et de Franceville ainsi qu'une partie des gisements de Port-Gentil. Plus politique: le ministre de la Défense propose la création d'un Conseil national de sécurité à l'ivoirienne, qui pourrait être une instance de recours dans les périodes troublées. Mais en Côte d'Ivoire, si ce super conseil de sécurité fonctionne au niveau de l'état-major et dans les étages supérieurs, à la base, les bavures de la police sont monnaie courante (LC N°317).


UN SONDAGE DETONANT
(LA LETTRE DU CONTINENT No. 317 du 19/11/98)

Commandé par le pouvoir à la société INAFRES (Institut africain de futurologie et de recherche économique et sociale), créée par des conseillers de la présidence, un sondage d'opinion réalisé entre le 20 juin et le 19 juillet 1998 auprès de 1 600 personnes offre un paysage politico-ethnique gabonais très "tranché". Comme l'expliquent les auteurs qui signent le rapport final remis au président (Léon Auge pour l'INAFRES et Michel Hoffmann pour MARCOMER), "le vote au Gabon est encore tribalisé. Mba Abessole contrôle toujours les zones Fang. Mamboundou, Mouiti Nzamba et Maganga Moussavou influencent les secteurs Myène et Bapounou. Les populations Nzébi et Batéké soutiennent et soutiendront toujours Bongo". Il s'agit donc d'un simple problème de démographie régionale?

L'enquête donne ainsi le père Paul Mba Abessole, leader du RNB, en tête à Libreville (85% des voix contre 9% à Mamboundou et 4,5% à Omar Bongo), Oyem (95%), Lambaréné (50%) et Makokou (60%). Pierre Mamboundou (UPG) arrive en tête à Tchibanga (55% devant Maganga Moussavou 25%, Mba Abessole 20% et Omar Bongo 3%) et Mouila (40% devant Mba Abessole 25% et Maganga Moussavou 20%). Le président sortant, Omar Bongo, n'arrive en tête qu'à Franceville (60% devant Mamboundou 20% et Mba Abessole 15%). Douche froide au Palais du bord de mer. Mais ce n'est qu'un sondage...

Réalisé par des pros, ce questionnaire (de 8 pages!) n'hésite pas à interroger "subtilement" les Gabonais sur les risques d'usure du pouvoir en utilisant le "cas" analogue togolais: "Pensez-vous que le président Eyadéma a bien fait de se représenter après plus de trente ans de pouvoir, ou pas? Savez-vous si les conditions d'accession au pouvoir du président Eyadéma, qui s'est produite à peu près à la même époque que celle du président Bongo, étaient comparables à celles dans lesquelles le président Bongo a accédé au pouvoir, ou différentes? Bonne question.

Dans la même veine, toutes les interrogations sur la volonté de changement tournent au vert: "A l'analyse, il ressort que les Gabonais dans une large majorité (65%) souhaitent le changement. Ceux qui le désirent le plus sont ceux âgés de trente cinq ans et plus qui aiment à comparer l'époque de Léon Mba et l'ère actuelle", écrivent les dirigeants de l'INAFRES. Aïe, aïe, aïe!... Les mêmes analystes enquêteurs poursuivent: "Ainsi, 65% des Gabonais estiment que l'opposition gabonaise est capable de grandes choses car le pouvoir en place est bloqué. Ne pouvant se débarrasser de ses barons, la majorité sera toujours en état de faiblesse et ne pourra tenir compte des préoccupations des Gabonais". Sur la question de la paix civile: "55% des Gabonais répondent que la pérennisation des autorités actuelles au pouvoir engagera une avalanche de violence qui amènera le pays vers des années de trouble si un conservateur est encore élu. Voilà pourquoi 59% d'interviewés refusent la réélection d'Eyadéma ou entrevoient en cela une provocation". Dixit l'INAFRES. Seule petite porte de sortie pour Omar Bongo, sur la question des critères d'homme démocratique: "35% estiment que Bongo à un grand mérite pour cela; 30% réalisent que Mba Abessole est trop sévère donc dictateur; et Mamboundou est fort en idées mais ne peut diriger un peuple car trop intransigeant".

Interrogé le 7 novembre par le bureau local de l'AFP sur "des sondages circulant dans la capitale gabonaise et à l'étranger, faisant état de moins de 40% d'intentions de vote en sa faveur pour le premier tour", le président Bongo a répondu: "De quels sondages s'agit-il? Mes sondages à moi sont réalisés par des experts de Gallup International et des organismes comme Léger & Léger. Mes sondages sont bons, il n'y a qu'à les consulter", a ajouté le chef de l'Etat "sans autre précision", écrit l'AFP. En attendant "les bons", celui de l'INAFRES fait en tout cas partie des "pas bons".


ECHEC D'UNE VISITE AUX ETATS-UNIS
(LA LETTRE DU CONTINENT No. 316 du 05/11/98)

C'est à la dernière minute que le président Bongo a renoncé à effectuer une visite aux Etats-Unis du 5 au 9 octobre parce qu'il n'était pas assuré d'être reçu par Bill Clinton. Un échec qui serait dû à la fois au lobbying de l'opposition - qui a fait voter à la Chambre des députés et au Sénat de véritables mises en garde pour les présidentielles du mois de décembre - et à une mauvaise préparation de cette visite. C'est au mois d'août que ce voyage a été préparé à l'initiative du directeur adjoint du cabinet présidentiel Jean-Marie Adze et du missi dominici Abbas Haidara (voir Affaire Morning Star: LC NO. 293).

Un contrat de 350 000 $ a été signé avec le cabinet de lobbying Barron-Birrel dont 100 000 $ ont été immédiatement déboursés comme acompte (contrat enregistré au département américain de la justice sous le NO. 4729). Des congressistes comme Bill Archer (Républicain du Texas), E. Clay Shaw (Floride) et John Tanner (Tennessee), qui avaient effectué au printemps une visite à Libreville, avaient fortement encouragé ce voyage auprès des responsables américains. Dans une lettre adressée le 14 septembre à William S. Cohen, le Secrétaire d'Etat à la Défense, Bill Archer expliquait ainsi que sous "le leadership du président Bongo, le Gabon était devenu un îlot de stabilité...".

La plupart des rendez-vous pris pour le président Bongo ne pouvaient toutefois être honorés, pour des raisons de calendrier, en particulier ceux avec les Secrétaires d'Etat Madeleine Albright et William Cohen. Ce dernier s'entretenait avec le directeur de la CIA et s'envolait pour l'Arabie saoudite au moment où il devait recevoir "virtuellement" le président gabonais. Mais le vrai quiproquo était avec la Maison Blanche: alors que le cabinet du président gabonais avait réussi à obtenir à la dernière minute, grâce à d'autres lobbyistes (en particulier Joe Szlavik) et à l'intermédiation du sénateur démocrate William Jefferson (Louisiane), un rendez-vous avec Bill Clinton - un entretien de 25 minutes le 8 octobre -, le président gabonais a préféré reporter à l'an prochain ce voyage. Le 23 octobre, les responsables de Barron-Birrel ont été reçus avec Abbas Haidara par le président Bongo après avoir fait antichambre pendant plusieurs heures. Explications de gravures... Ils ont cependant réussi à le persuader que cet échec était dû à un responsable de l'ambassade américaine de Libreville. Ils ont obtenu 100 000 nouveaux dollars pour remettre ça...

Entre-temps, les lobbyistes de l'ancien grand argentier Jean-Pierre Lemboumba, comme Jean-Marie Coulbary (également le conseiller en communication du père Paul Mba Abessole, LC NO. 315), ont réussi à faire passer les 16 et 21 octobre une résolution à la Chambre des députés (par Alcee Hastings de Floride) et au Sénat (par le sénateur Richard Lugar de l'Indiana) sur la nécessité de la transparence des élections de décembre 1998 en faisant référence à des "irrégularités" lors des présidentielles de 1993...

Compliqués les Etats-Unis! Le président Omar Bongo a beaucoup moins de soucis avec ses vieux amis de la classe politique française qui se succèdent actuellement à Libreville (voir page 7). Même au niveau de la Commission parlementaire européenne du Développement et de la Coopération, ils le défendent, comme l'ancien premier ministre Michel Rocard. Lors d'un bref échange de vues, le 24 octobre dernier, sur les prochaines élections présidentielles au Gabon, Michel Rocard a annoncé que la situation dans ce pays serait débattue lors de la réunion des 24, 25 et 26 novembre avec la participation de Catherine Tasca, présidente de l'Association France-Gabon et présidente de la Commission des lois de l'Assemblée nationale, et de l'ambassadeur du Gabon auprès de la Commission européenne. Au député démocrate-chrétien espagnol Carlos Robles Piquer qui s'interrogeait sur la corruption ou l'honnêteté de l'administration gabonaise, Michel Rocard a assuré que "la corruption au Gabon était à un niveau relativement bas" mais qu'il faudrait du temps "avant que la démocratie n'éclose" (sic). Quand à la division de l'opposition, elle serait due, selon l'ancien premier ministre, à la seule "nature concurrentielle des politiques d'opposition".


LES "ECLAIREURS" DE BONGO IV
(LA LETTRE DU CONTINENT du 22/10/98)

C'était la panique la semaine dernière dans les rangs des directeurs de campagne du candidat Bongo IV: le trésor de guerre a disparu. En ligne de mire: le colonel Banas, l'aide de camp le plus proche du président qui était le seul à détenir les clefs du coffre situé derrière le bureau présidentiel. Grand frère du Dr Philomène Nkouna (médecin personnel d'Omar Bongo), le colonel Banas aurait "emprunté" plus de 5 milliards F CFA dans cette réserve d'Ali baba pour, croit-on, faire "multiplier" par deux les beaux billets par des marabouts venus du Nigeria.

Selon une version de cette histoire, qui est devenue un grand classique, les marabouts seraient partis avec les sous et Banas serait resté seul avec ses valises de papier blanc... A un Omar Bongo hors de lui, il aurait d'abord expliqué qu'il avait perdu les clefs du coffre. Alerte rouge: une équipe de spécialistes de chez Bosch a été dépêchée depuis Paris pour ouvrir la précieuse chambre forte. A l'intérieur, ô surprise: il n'y avait qu'une bouteille de gin... vide. Misère... Il ne reste plus au président gabonais qu'à solliciter les amis français qu'il a lui-même tant aidés dans le passé (au moment où c'était, bien sûr, autorisé par la loi!) pour leurs élections et réélections...

Un peu sonnés par cette histoire, les aficionados du président ne se bousculent pas moins pour jouer un rôle dans l'équipe de direction de la campagne. Chacun sait qu'une fois le candidat élu, les premiers récompensés - en particulier par les fauteuils ministériels - seront ceux qui auront mouillé la chemise pour "sauver le soldat Bongo"... Selon nos informations, c'est dès le mois d'avril qu'une discrète cellule de réflexion politique s'est constituée avec à sa tête Georges Rawiri, président du Sénat, et comme membres Julien Mpouho-Epigat (neveu du président), les ministres d'Etat Zacharie Myboto et Paulette Missambo, le ministre de l'Intérieur Antoine Mboumbou Miyakou, le haut commissaire à la présidence Germain Ngoyo-Moussavou, directeur du quotidien l'Union, ainsi que le général Laurent Nguetsara Lendoye, le seul qui tienne tête au ministre de la Défense Idriss Ngari.

Depuis, une direction de campagne a été officiellement créée et présidée par le ministre d'Etat Jean-François Ntoutoume-Emane. Il est flanqué de deux adjoints: Paulette Missambo pour mobiliser les femmes et Parfait Gondjout pour les jeunes. Dix directeurs ont été nommés pour "animer" la campagne en province. Pour Libreville, c'est Jacques Adiahenot (Mpongwe), un proche de Zacharie Myboto, qui a été retenu. Et pour le département de l'Estuaire qui englobe Libreville et toute sa région, il s'agit d'Emmanuel Nze-Bekale, le très discret directeur général de la Caisse de prévoyance sociale (LC NO. 313). Cette région représente 40% de l'électorat... Il faut la soigner! Dans le Haut-Ogooué, c'est le ministre des Mines Paul Toungui, par ailleurs époux de Pascaline Bongo et leader du groupe des "appelistes", qui a été choisi. Il sera épaulé par le général Félicien-Gaston Olouna (un proche d'Idriss Ngari). Il a pris la place de gouverneur de François Banga-Eboumi, jugé trop "consensuel" avec l'opposition. Au cours de sa première tournée électorale dans cette région, la sienne, Omar Bongo s'était fait chahuter. Fatigués de leurs barons, les jeunes de son propre fief cherchent aujourd'hui à s'émanciper.