[?] L?Ancien Régime est trop archaïque pour ce qu?il comporte de moderne, et trop moderne pour ce qu?il a d?archaïque. [?] Régime mêlé de patrimonial, de traditionnel et de bureaucratique [?] et qui ne cesse de tisser une dialectique de subversion à l?intérieur du corps social. François Furet, Penser la Révolution française
CADRE LOGIQUE (susceptible d?être à nouveau modifié) [?] Hypothèse pour atteindre l?objectif macro-économique :Stabilité politique. Banque mondiale, « Programme sectoriel forêts et environnement au Gabon », ébauche du 1 mars 2005
Par Arnaud Labrousse
Que les Gabonais se rassurent : en aucun cas le règne d?Omar Bongo ne dépassera celui de Louis XIV (72 ans). Les paris restent ouverts quant à celui de Charlemagne (46 ans).
Certains espéraient que la publication par le ministère gabonais de l?Economie, début mars, de la liste complète des concessionnaires de la forêt du Roi allait faire date dans l?histoire de la Françafrique finissante. L?occasion s?est avérée surtout une opportunité pour le régime quadragénaire d?exercer son célèbre sens de l?humour. Une liste de permis forestiers retournés au domaine pour non-paiement de taxes est attendue dans les prochains jours. Elle risque d?être plus drôle encore.
On aurait mieux apprécié le geste du ministre Paul Toungui s?il ne manquait pas si cruellement de spontanéité. En octobre 2004, BDP Gabon Nouveau avait déjà balancé les noms des 36 rentiers forestiers les mieux introduits au Palais du bord de mer au cours des dernières années. Au vu de la nouvelle liste, il semble qu?avant de festoyer la chute de la maison Bongo quelques petits réglages restent encore à faire. Commençons donc par le haut de l?organigramme. Les fameux permis industriels d?Omar Bongo Ondimba (12/95, 200 000 ha) et de son fiston et ministre de la Défense Ali Bongo Ondimba (08/95, 200 000 ha) y apparaissent sous le nom de leur partenaire libyen : la Libyan Arab Foreign Investment Company (LAFICO). Les listes internes précédentes, ainsi que celle de BDP, n?avaient pas autant de pudeur. On saute pour mieux reculer. Dans le nouveau document on repère facilement le nom du ministre qui l?a signé, bien qu?il faille écarquiller les yeux pour le lire. Le mari de Pascaline Bongo (directrice de cabinet de son père) ne s?appelle plus Paul Toungui (PI 02/96, 56 800 ha), mais « Paul Nguia ». Ceci est du très grand Bongo. La première épouse et chef de cabinet du fondateur du Gabon moderne, Cécilia Ndjave Ndjoy (PI 02/89, 108 200 ha), reçoit pour l?occasion le nom de « SHM ». Surprenant que le titre forestier de Madame soit encore valide alors que la Société de la Haute Mondah ne l?est plus. Au moment du dépôt de bilan de cette filiale de la pieuvre française Interwood, en juillet 2002, nous avions pris la liberté de faire circuler son dernier audit interne : [?] Les dettes fiscales et sociales apparaissant au bilan n?incorporent pas le risque de pénalités et de redressement consécutif au non paiement de l?impôt depuis plusieurs exercices, évalué à environ 6 MF[F]. [?] La dette fiscale et sociale qui apparaît au bilan pour 14,4 MF[F] peut être estimée, en fait, à 25 MF[F]. La transparence selon Toungui a une odeur tantôt politique, tantôt de règlement de comptes. Figure en bonne place sur sa liste l?anciennement tout-puissant et encore général et ministre Idriss Ngari (PI 03/97, 110 100 ha). Gênant au Palais depuis quelques temps, l?ennemi d?Ali Bongo (son neveu) et chouchou de Sassou Nguesso aurait été victime l?été dernier d?une tentative d?empoisonnement. Qui désormais ne doit pas faire gaffe à la cuisine ? Un des détracteurs le plus acharné de Ngari se retrouve également sur la liste : Janvier Essono Assoumou (PFA 45/03, 4 486 ha), le propre conseiller de Toungui. Au-delà du noyau de la kleptocratie gabonaise, en effet, ses signes d?amour deviennent pour nous impossibles à décrypter. On entre ici et se perd, rapidement, dans l?ésotérisme. Pourquoi le vaillant général Barthélémy Ratanga (PFA 01/03, 11 500 ha) serait-il pendu aux jupes d?une dame du nom de « Marcelle Abeng » ? Pourquoi un neveu chargé de la coordination des services secrets à la présidence (Julien Mpouho Epigat [PTE 37/96, 12 600 ha]) s?affiche-t-il en toute sérénité, tandis qu?un petit neveu (Guy-Rufin Mpouho Epigat), fonctionnaire au Trésor public (et forestier aussi récemment que 2001), opte, lui, pour ne plus s?afficher ? Quel intérêt pour le Prince de jouer son directeur de cabinet adjoint Germain Ngoyo Moussavou (PTE 15/01, 14 202 ha) contre son directeur de cabinet adjoint Vincent Mavoungou-Bouyou (PTE 06/01, 5 576 ha) ? Comment se fait-il que le plus grand forestier en nom propre du pays, après Bongo père et fils, « Ndzama Ntsie » (PFA 86/04, 40 000 ha ; PFA 87/04, 48 000 ha ; PFA 88/04, 40 000 ha), manque de prénom ? Revenons aux choses simples. Le premier ministre Jean-François Ntoutoume Emane se charge de 84 044 ha d?or vert (PI 04/03, PI 09/02, PTE 34/03, PTE 87/03, PTE 88/03). Bon père de famille, il est épaulé par sa femme Sophie (PI 07/03, 15 543 ha) et leur fils Vincent (PI 19/01, 22 073 ha). Sachez que le ministre de l?Economie forestière, Emile Doumba, déteste formellement les Ntoutoume Emane. Ce qui a dû l?aider surmonter ses quelques réticences initiales à la publication de cette liste. Il lui fallait peut-être les conserver. Son conseiller technique, Fabien Zue Ondo (PFA 67/04, 11 960 ha) et son chargé de mission, Vincent Ndong (PFA 69/03, 7 528 ha), sont tous deux forestiers. Leur réforme du secteur se fait en douceur? Nous nous réjouissons de voir que bon nombre d?oligarques dont BDP a fait le outing l?année passée soient aujourd?hui des forestiers sans complexes : Laure Olga Gondjout, secrétaire particulière du président (PTE 11/91, 10 360 ha), Marcel-Eloi Chambrier-Rahandi, premier vice-président de l?Assemblée nationale (PTE 04/99, 20 800 ha), Paulin Obame Nguema, ex-premier ministre (PFA 93/03, 5 040 ha ; PI 01/98, 22 624 ha ; PI 13/96, 30 362 ha ; PTE 05/87, 13 900 ha), Louis-Gaston Mayila, président du Conseil économique et social (PI 02/79, 51 880 ha), Thérèse Chantal Akouosso, secrétaire général du conseil des ministres (PTE 41/95, 14 000 ha), Paul Malekou, membre de la Cour constitutionnelle (PTE 18/99, 15 000 ha), ou le député Michel Menga (PI 02/98, 22 335 ha). Quant aux barons affichés aux abonnés absents, et dont les permis ont officiellement expirés, voici deux hypothèses. Numéro 1 : ils ont tout simplement perdu leur goût pour l?argent facile. Il s?agit de Guy Nzouba Ndama, président de l?Assemblée nationale ; Richard Auguste Onouviet, ministre des Mines ; Ludovic Ognagna Ockogho, ex-secrétaire général adjoint de la présidence ; Ahmadou Khadime Oyabi, ex-chef d?état-major des forces armées ; Faustin Boukoubi, ministre de l?Agriculture ; Albert Ndjave Ndjoy, député et ex-conseiller personnel du président ; des ambassadeurs Albert Akendengue et Sylvestre Ratanga ; des députés Roger Mavoungou et Albert Ndong Obiang ; et des sénateurs Maurice Leflem, Georges Madebe, Emile Kassa Mapsi, et Célestin Moukodoum Ittah. Hypothèse n° 2 : dans la liste officielle, voir la très riche profusion des hommes de paille prénommés « Natacha », « Victorine », « Marie-Cécile », « Shamira », « Solange », « Marguerite », « Hortense », « Brigitte », ou « Eugénie ». La publication de sa « Liste des concessions forestières en cours de validité au 01/01/2005 » sert plus au régime à surveiller qu?à punir. Cette fonction s?exerce tant sur les fidèles, comme Antoine de Padoue Mboumbou Miyakou, vice-premier ministre (PTE 58/00, 15 000 ha) ou la députée PDG Paulette Paieni Koho (PFA 92/04, 15 000 ha) que sur les « opposants » comme Paul Mba Abessole, autre vice-premier ministre (PTE 64/03, 14 584 ha), le député RNB Grégoire Mintsa Minang (PFA 01/04, 2 325 ha) ou encore le malheureux président de l?Union pour la démocratie et l?insertion sociale Patrick Hervé Opiangah (PI 03/00, 55 850 ha). Embastillé en novembre 2004 pour « détention illégale d?armes et participation à un attroupement armé », ce dernier est un ancien proche d?Ali Bongo. Heureusement que ses droits forestiers semblent avoir été respectés. Reste à savoir si le Premier fils est toujours actionnaire de la société de sécurité dont Opiangah était directeur, Vigile Services. Autre taulard dont les privilèges restent intactes : Célestin Odounga (PTE 02/99). Attribué en février 2000, son permis de 15 000 ha n?expirera qu?en 2010, selon le ministère de l?Economie. Qu?importe que le directeur général des Douanes, soupçonné d?avoir accepté un cadeau en nature ? si trois véhicules ne constituent pas trois cadeaux ? ? qu?importe qu?il soit au trou depuis avril 2004. *
Quand elle partira [?], il ne restera rien ou à peu près d?une occupation de trente années. La Société [du Haut-Ogooué] laissera le pays beaucoup plus pauvre qu?elle ne l?a trouvé et les populations infiniment plus misérables. « Situation politique, économique et financière du Gabon », 1919
Les droits de coupe en vigueur dans le Haut-Ogooué, province natale du père de la nation, mériteraient une attention particulière. Nous la laisserons volontiers aux touristes qu?elle reçoit régulièrement en provenance des Hauts-de-Seine. A la SEM 92, l?organisme de coopération du département, le berceau des Bongo est un site prisé depuis des lustres.
Ce sont les terres du général et neveu André Oyini (PTE 05/98, 9 688 ha ; PTE 29/00, 15 000 ha) ? ainsi que d?« Angelo Oyini » (PTE 30/00, 14 535 ha) et d?« Alda Oyini » (PTE 31/00, 11 220 ha). Maurice Ndziba (PTE 02/00, 4 512 ha), maire de Franceville, chef-lieu de la province, y est également bûcheron. Idem, depuis mai 2001, pour l?ancien directeur général de la SNBG, Egide Boundono-Simangoye (PTE 10/01, 8 540 ha), aujourd?hui ministre de la Fonction publique, de la Réforme administrative et? de la Modernisation de l?Etat. La foresterie de David Bomby-A-Nzengue, sénateur PDG du Haut-Ogooué (PTE 21/00, 6 720 ha) fait moins mystère que celle d?un certain Edgar Lionel Bongotha de l?Université des sciences et techniques de Masuku (PFA 52/04). Ce boursier quitte le Gabon pour l?Ecole polytechnique de Montréal au moment même où il gagne « son » permis de 8 392 ha. Mais pour savoir à qui appartient la filière bois au Gabon, il ne suffit pas de savoir à qui appartiennent ses titres forestiers. Il faut aussi savoir à qui appartiennent ses sociétés étrangères. En commençant par la corsafricaine Rougier Gabon dont le fief est le Haut-Ogooué et dont le passé Elf est aujourd?hui de notoriété publique. Or, la maison-mère de Rougier ne possède que 86 pour cent de Rougier Gabon. Dans quelles poches le prochain missile du ministre Toungui va-t-il situer le pourcentage restant ? L?info sera de taille : Rougier Gabon est récemment devenu propriétaire à 100 pour cent des concessions Rougier au Cameroun et au Congo, jusqu?alors filiales à 100 pour cent de la société du Poitou. Sans doute Emile Doumba détient-il ce genre d?information. Mais pas forcément en tant que ministre. L?inventeur de la cellule de comptes à numéro à la BICIG et ancien ministre des Finances préféré des bailleurs de fonds (1999-2002), est avant tout un originaire d?Iboundji (Ogooué-Lolo). Pendant un quart de siècle Rougier y détenait sa plus grande concession. Autre lacune dans les listes à la Toungui : avec qui les sociétés étrangères doivent-elles s?entendre sur le terrain et? pour combien ? Là encore la province présidentielle peut nous servir de cas d?école. Ainsi qu?à l?AFD. Dans leur « Extension du processus de gestion durable à l?ensemble des forêts de production du Gabon » du 21 février 2005, les experts de la Coopé fustigent les cachotteries et autres « comportements individualistes » des forestiers nationaux. Remarque : il paraît [?] à l?examen des plans d?aménagement [?] déposés que, dans la plupart des cas, les documents ne font état ni de l?existence ni, a fortiori, de la teneur des accords passés entre les détenteurs des permis associés et le titulaire de la CFAD [Concession forestière sous aménagement durable] ; dans certains cas, l?identité même des détenteurs n?est pas indiquée. Bas les masques. Pour prospérer, la société italienne Basso Timber Industries Gabon (BTIG), concurrente de Rougier dans le Haut-Ogooué, est « contrainte » de sous-traiter les permis de Pierrette Djouassa, procureur général de la République (PTE 48/96, 13 280 ha) et du lieutenant-colonel major Michel Ndimba (PTE 33/94, 12 944 ha). Détenteurs, pour notre part, d?un récapitulatif des actifs de la BTIG dressé en 2002, nous n?avons qu?à suivre les astuces de la direction pour calculer le jackpot que raflent justicier et guerrier. 1-4 Valorisation des permis forestiers La valeur de la forêt dans la région est de 2500 FCFA/m3 en pleine propriété et de 2500 ? 1500 de redevance = 1000 FCFA/m3 en fermage Les Italiens proposent l?hypothèse d?une récolte de 12 mètres cubes par hectare. Ce qui rapporte à Pierrette Djouassa 239 040 000 FCFA, et à Michel Ndimba 232 992 000 FCFA.
Il serait utile, quoique hors de propos, d?établir l?ensemble des liens entre les bienfaiteurs de la BTIG (compte BICIG n° 09070.002393.00095 XAF) et l?Américain d?origine somalienne Soleman Idd. A en croire le site web du département d?Etat américain, celui-ci est un administrateur de celle-là. A travers sa société sud-africaine Western African Development Corporation, il est aussi le patron de la zone franche de la baie d?Agulhas à Sao Tomé et se passionne actuellement pour celle de l'île Mandji, en face des parcs à bois de Port-Gentil. Depuis 1997 il est actif dans l?écotourisme à travers Libreville Tourism Gateway Development [...] et d?autres groupes de tourisme, d?immobilier et d?infrastructures. M. Idd est le fondateur d?Investor?s Gateway Development, qui facilite auprès des décideurs la promotion d?un environnement de transparence dans les affaires. A ce militant nous souhaitons bon vent. * La mainmise de la nomenklatura gabonaise sur la forêt post-pétrole nous inquiète ; la superbe indifférence de la Banque mondiale devant cette situation nous effraie. D?une réforme tout en clair-obscur ? surtout obscur ? nous voilà en plein surréalisme. Pas plus tard qu?il y a un an, la Banque faisait encore mine de ne pas s?en foutre complètement. Un aide-mémoire interne d?avril 2004 raconte les progrès du montage de son programme sectoriel forêts et environnement (PSFE) lors des rencontres à Libreville entre bailleurs et régime. PSFE pour lequel elle a réservé 40 millions de dollars. Banque, FMI, AFD, BAD et Cie voulaient voir le prolongement d?un moratoire qu?ils voulaient croire déjà en place. Apparemment le régime voulait autre chose. Concernant le domaine permanent, les articles 111 et 113 du code forestier prévoient que les forêts productives « sensibles » et les forêts « limitrophes du domaine rural » seront attribuées par adjudication. [?] Nous conseillons [?] que les attributions de nouveaux permis soient mises provisoirement en suspens jusqu?aux conclusions des tests d?adjudication, afin de ne pas rendre impossible de facto la mise en oeuvre de ce système au cas où il s?avérerait performant. Cette décision prolongerait le moratoire qui avait été mis en place en 2002-2003. la liste de Toungui, on recense une bonne centaine de titres attribués depuis « 2002-2003 », dont pas moins de 58 après que les conseils solennels de la Banque aient été entendus en avril 2004. Celle-ci a décidé de ne pas jouer aux durs. Elle n?y avait pas vraiment intérêt : deux mois plus tard les potes de la Société financière internationale cadeautent la multinationale indienne Olam, trader en tout genres, d?un prêt de 50 millions de dollars. Le deuxième permis forestier gabonais d?Olam est signé le 2 août 2004 ; le moratoire tant voulu par la Banque, le 9. En mars 2005 l?institution de Washington peaufine son « document de programme » du PSFE. Dénonçant l?« approche relativement cloisonnée » de ses projets passés, les auteurs proposent « une vision cohérente » de la gestion forestière, fruit des « représentants d?acteurs d?origines complémentaires ». Le pare-feu qu?ils s?offrent est, selon l?ébauche du 1er mars 2005, « à réactualiser » : L?impact positif du programme [?] a été confirmé. [?] Cependant, la perception du monde extérieur sera que le PSFE est lié à l?exploitation des forêts denses humides primaires en Afrique Centrale, même si le PSFE ne finance pas l?exploitation forestière, mais seulement une meilleure planification et une gestion durable. [?] Il sera nécessaire et essentiel de conduire des actions d?information et de communication avec le monde extérieur pour mieux expliquer les objectifs du PSFE et les impacts potentiels sur les forêts denses humides du Gabon en l?absence d?un tel programme. Ce point a en effet été identifié comme un aspect possible de controverse. Où le monde extérieur aurait-il pu dénicher cette idée farfelue que la Banque finance les forestiers ? Lisons. Les programmes d?investissement publics passés ont pour la plupart soutenu des activités de production de façon insuffisante. Les dons attribués par les différents bailleurs ont pour la plupart concerné la gestion des aires protégées et même les prêts servirent parfois au renforcement des capacités de l?administration [?] sans vision claire du développement économique recherché. Plus précisément : L?objectif prioritaire du Gouvernement est de créer la richesse afin de réduire la pauvreté. La préparation du Programme Sectoriel Forêt et Environnement (PSFE) s?inscrit dans cette stratégie. C?est en effet un programme destiné à attirer de nouveaux investisseurs privés [?]. Parmi les objectifs de la « sous-composante 7 » : fournir aux industries des tendances des marchés du bois et des services environnementaux afin [de] procéder à d?avantage de concurrence. L?aide-mémoire de 2004 avait déjà laissé entrevoir ce que signifie « acteurs d?origines complémentaires ». Là où on s?attend à rencontrer des pauvres surgissent des patrons à perte de vue : Le document de programme PSFE devrait émaner d?un travail participatif avec l?ensemble des acteurs concernés par chaque composante [?]. Ceci permettra de prendre en compte les aspirations, les contraintes, les avantages comparatifs de chacun des intervenants [?]. En ce sens, la compensation, selon un mécanisme transparent et uniforme, des opérateurs privés lésés par la création des parcs nationaux apparaît comme un préalable à toute intervention sur la composante aires protégées. Toujours portée sur les chiffres, la Banque adopte comme un des cinq « indicateurs généraux » de son efficacité le « nombre d?entreprises privées créées dans le secteur forêts, pêche et environnement ». Mais ne fixe pas d?objectif précis. Quant aux résultats attendus en « nombre d?emplois créés » dans ce secteur, ils sont tout modestes : 300 nouvelles recrues pour 2005, 300 de plus l?année suivante. Ceci pour faciliter « la transformation de 300 000 m3 de grumes supplémentaires dans 5 ans ». Et pourtant il y a du boulot. Les stakhanovistes de H Street regrettent qu? On compte en effet, moins de 500 agents pour gérer plus de 22 millions d?hectares de forêt, soit un (1) agent pour 440 mille hectares ; lorsqu?on sait que le ratio retenu par l?UICN est un (1) agent pour 22 [sic] hectares. Avec la coquille, ça ferait un million de personnes à embaucher, soit la quasi-totalité des Gabonais. (Pol Pot, es tu là ?) Sans la coquille, ça en ferait quand même des dizaines de milliers.
Pour atteindre le plein emploi patronal par contre, les Banquiers vont favoriser, dans la mesure du possible, les dons plutôt que des prêts; [?] diversifier les sources de financement (par exemple en ayant recours aux ONG internationales importantes [?]) ; assurer la pérennité des investissements; donner la priorité aux investissements ayant un effet de levier élevé sur l?investissement privé. Il est rassurant que cette politique s?accompagnera d? une certaine souplesse de financement entre bailleurs qui pourront éventuellement se substituer l?un à l?autre en cas de blocage involontaire et ponctuel de leur financement [?].
Comment ne pas penser ici à la souplesse certaine de l?AFD ? Dans leur document de travail de février 2005 (voir ci-dessus) les fonctionnaires français s?impatientent de se plier devant le moindre « blocage ». Ils vont définir des mécanismes de mobilisation des financements [?] mieux adaptés aux capacités financières des opérateurs concernés, et notamment moins contraignants au niveau de la mise en place des garanties (cautions, nantissements, etc.). L?AFD continuera à verser des crédits à la Banque gabonaise de développement de Christian Bongo, et à la BICIG toujours redevable envers Emile Doumba ; des « accords de contre garantie » apportés par les bénéficiaires « par le canal des établissements bancaires de leurs maisons mères » empêcheront toute dérive. Déjà, un comité ad hoc va tâcher de « débloquer, au bénéfice de catégories de titulaires de permis jusqu?alors écartées, l?accès aux lignes de crédits existantes ». Si l?expérience camerounaise en la matière est significative, ça promet. *
Notre version de travail du descriptif du PSFE porte les traces d?un correcteur sans merci. Le document allait comporter une annexe : (Tableau des investissements publics ou privés (on ne peut pas mélanger les deux !) passés réalisés dans le secteur) ? semble complexe et pas vraiment indispensable. Pour ce qui est du danger de mélanger public et privé, nous nous permettons d?apporter cette précision : on ne doit pas le faire. A l?évidence on le peut, et aussi bien à Washington qu?à Libreville. Ou plutôt : on le peut à Libreville d?autant mieux qu?on le peut à Washington. Sans doute un historique des investissements passés, pas très complexe, le démontrerait. C?est pourquoi il serait « vraiment indispensable ». Risquons une correction de plus, celle-ci de pure forme. Nous achoppons dans ce draft sur la promesse d?une étude des impacts sociaux sur le terrain, dans les villages et dans les campements pygmées, qui devra entre autres [?] identifier les cadres de concertation appropriés pour que les groupes « vulnérables » y soient représentés. Pour ces guillemets il est bien entendu que la Banque doit des excuses aux groupes vulnérables. En attendant, merci de lire son slogan, « ?uvrer pour un monde sans pauvreté » : « ?uvrer pour un monde sans "pauvreté" ». Arnaud Labrousse, mai 2005
Seuls les utilisateurs enregistrés peuvent laisser un commentaire. SVP, connectez vous ou enregistrez vous.
|