André Tarallo a sérieusement été mis en difficulté lundi à la reprise du procès Elf affirmant sans convaincre, comme il l'avait fait durant l'enquête, que les comptes suisses qu'il détenait - alimentés par l'argent du groupe - appartenaient en fait au président du Gabon Omar Bongo.
Comme à son habitude, l'ancien directeur Afrique du groupe pétrolier, 75 ans, a longuement tourné autour du pot, éludant les questions, multipliant les digressions sur son parcours professionnel pour "bien replacer le problème dans son contexte". Mais le président du tribunal Michel Desplan, qui mène depuis la semaine dernière les débats à la façon d'un bulldozer, ne lui a pas laissé le temps de noyer le poisson : "M. Tarallo nous connaissons votre carrière, répondez précisément, pour quelles raisons avez-vous ouvert ces comptes?". Réponse : "Euh... Pour des raisons africaines". Selon lui, les cinq ou six comptes suisses dont il était titulaire ou ayant-droit avaient été ouverts "à la demande" du président gabonais et gérés par lui pour le compte de ce dernier. A l'époque des faits, Omar Bongo, dont André Tarallo se présente comme "l'un des deux plus proches conseillers", était destinataire de commissions versées par Elf, qui commercialisait au Gabon entre 50 et 60 millions de barils par an. Soulignant "le caractère un peu étonnant" de tels comptes alimentés par une société mais gérés à titre personnel par l'un de ses dirigeants pour le bénéfice d'un tiers, M. Desplan lui demande pour quelle raison son épouse avait procuration sur l'un d'entre eux. "Euh... Très franchement je ne m'en souviens plus... C'était une erreur de ma part", répond André Tarallo. - "Mais comment se fait-il qu'un homme aussi intelligent que vous (...) ait ainsi désigné son épouse pour bénéficier d'une procuration sur des comptes aussi sensibles?", insiste le président. - "J'ai dû céder à la pression du banquier...", lâche André Tarallo. Le président note avec ironie que les noms choisis par l'ancien responsable d'Elf pour nommer ces comptes avaient pour beaucoup un caractère très personnel, comme le compte "Bonifacio", du nom de la commune à proximité de laquelle il a fait construire sa villa, ou Colette, prénom de son épouse. - "Pourquoi avoir mêlé votre épouse en utilisant son prénom?", demande le président. - "Je ne voyais aucune raison de dissimuler, de cacher... Mais aujourd'hui elle me le reproche assez", avoue l'ancien énarque. Poursuivi pour des recels d'abus de biens sociaux à hauteur de 300 millions de francs (46 millions d'euros), André Tarallo est soupçonné d'avoir puisé sur ces comptes suisses pour s'enrichir personnellement, s'offrant notamment sa somptueuse villa corse de Calalonga (1.300 m2 en Corse du sud), ainsi qu'un vaste appartement parisien. Dans son ouvrage "Blanc comme nègre", sorti en janvier 2001, le président Omar Bongo avait lui-même contredit la thèse d'André Tarallo, affirmant qu'il n'avait rien à voir avec ces comptes en Suisse. Il écrivait notamment que ce dernier lui avait fait signer six lettres, des faux, reconnaissant la propriété de ces comptes, ce qu'il avait accepté de faire pour lui venir en aide. "J'ai pensé que ces lettres resteraient confidentielles et qu'elles suffiraient à lui éviter la prison. Je n'ai jamais pensé qu'il menacerait de s'en servir contre moi. Qu'il chercherait à me faire chanter. On ne fait pas chanter Bongo", écrivait-il. Seuls les utilisateurs enregistrés peuvent laisser un commentaire. SVP, connectez vous ou enregistrez vous.
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