Allocution du Dr. Daniel Mengara, Président du BDP-Gasbon Nouveau, lors de la tenue du premier meeting constitutif de la Coalition Gabonaise du Refus et de Salut National à Paris les 20, 21 et 22 février 2009. Le BDP-Gabon Nouveau est membre signataire de la Coalition Gabonaise du Refus et de Salut National. Ce discours fut lu le vendredi 20 février au matin lors de la cérémonie d’ouverture des travaux de la Coalition.
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Mesdames et messieurs,
Chers compatriotes et chers invités,
Il me fait plaisir de conclure cette série d’interventions par des idées qui me sont chères et qui sont chères au mouvement Bongo Doit Partir, que je représente ici.
Quand, il y a dix ans, plus précisément en décembre 1998, nous avions fait le constat, à la création du mouvement Bongo Doit Partir, que rien de bon ne pouvait plus se passer au Gabon tant qu’Omar Bongo serait au pouvoir, et que la seule manière de permettre au Gabon d’avancer résidait dans le départ d’Omar Bongo et de son régime du pouvoir, beaucoup nous trouvèrent excessifs.
Pourtant, ce constat que nous dressions déjà il y a dix ans, est plus que jamais d’actualité. Rien de bon ne peut plus se passer au Gabon tant qu’Omar Bongo est au pouvoir.
Nous ne reviendrons pas ici sur la litanie habituelle d’exactions bongoïstes que les Gabonais connaissent déjà par cœur : corruption, détournements, incompétence, dictature, précarité et paupérisation sont le lot quotidien des Gabonais depuis 41 ans, et rien ne semble pourvoir augurer de quelqu’évolution positive que ce soit pour notre pays, surtout pas au moment où les forces du mal s’apprêtent à prendre en otage notre pays en y établissant une monarchie héréditaire.
Il n’est donc pas besoin de vous rappeler que le Gabon souffre de 41 ans de régime dictatorial et anti-démocratique sous Omar Bongo. Car, malgré les immenses richesses (pétrole, bois, manganèse, uranium, faune et flore, etc.) dont jouit notre pays, richesses qui en font l’un des pays les plus riches d’Afrique, 60% du petit million et demi de Gabonais qui font notre population vit encore inexplicablement sous le seuil de pauvreté. A titre de comparaison, le Nigeria, pays pétrolier lui aussi, compte près de 60% de sa population visant sous le seuil de pauvreté, mais avec un revenu de seulement 2200 dollars de PIB par habitant. Le Gabon, quant à lui, a un revenu de 14.900 dollars par habitant, un revenu supérieur à celui de la Chine (6100 dollars) et de l’Inde (2900 dollars) combinés. Et pourtant, ce sont les Chinois qui viennent encore chez nous construire les immeubles abritant les parlements gabonais. Et on sait qu’un pays a atteint le summum de la banqueroute quand le supposé président de ce pays est obligé d’aller se soigner au Maroc, parce que dans son propre pays, il n’a construit aucun hôpital digne de ce nom. Pourtant, face aux près de 15000 dollars de revenu par habitant du Gabon, le Maroc n’en a que 4000. Une honte, donc.
Il m’est donc à ce titre important de rappeler ici que quand notre mouvement, le BDP-Gabon Nouveau fut fondé il y a près de 10 ans, il s’était donné pour nom un thème qui, dans son essence même, se voulait le reflet de la pensée de la majorité des Gabonais. Il n’y a pas, à nos yeux, de nombreux Gabonais qui ne pensent pas aujourd’hui que Bongo doit partir, pour la construction d’un Gabon nouveau.
Et même si beaucoup, par peur des brimades, ne le disent pas toujours tout haut, nous pensons que la majorité des Gabonais pensent plus que jamais que Bongo doit partir. Il est possible que ces idées, nous les ayons véhiculées trop en avance sur notre temps, au moment où par naïveté, les Gabonais pensaient encore qu’Omar Bongo était humain et qu’il verrait par lui-même le mal qu’il a fait. Aujourd’hui, les prophéties du BDP-Gabon Nouveau ont fini par trouver un écho de plus en plus grandissant au sein de la population gabonaise, et beaucoup réalisent en fait que pour changer le Gabon, il faudra obligatoirement pousser Omar Bongo et sa clique au départ.
A ce titre, il me plaît de noter l’échange email qu’un de nos compatriotes a un jour eue avec un journaliste français. Tandis que le compatriote essayait d’attirer l’attention des autorités françaises sur la situation du Gabon, le journaliste français lui a dit :
« C’est bien ce que vous essayez de faire. Vous pouvez certainement porter l’affaire devant les cours internationales et porter plainte à la Haye, mais j’ai bien peur que tout cela ne mène nulle part car, le problème que vous avez au Gabon est que votre pays est trop calme ».
Ce journaliste, sans connaître l’existence du BDP, était ici, en fait, en train de faire la même analyse que le BDP, une analyse qui posait comme base le fait que changer le Gabon supposait la décision, pour les Gabonais de se saisir de leur souveraineté confisquée et d’affirmer, par tous les moyens qui leur seraient possibles, cette souveraineté. Nous avions appelé cet acte de reprise en main de leur souveraineté par les Gabonais un acte insurrectionnel visant à établir au Gabon les conditions d’ingouvernabilité, donc de refus de subir, qui permettraient enfin à notre peuple de se libérer de la dictature bongoïste.
Ce que ce journaliste essayait, donc, de dire à mon compatriote est que tant que les Gabonais eux-mêmes ne prendraient pas sur eux de rentrer dans leurs droits, il sera difficile aux occidentaux d’aller sans raison apparente enlever Omar Bongo du pouvoir car le pays est trop calme. Autrement dit, pour que le Gabon change, il faut que le pays ne soit pas trop calme et que le régime Bongo ne soit pas laissé tranquille dans son animalisation du Gabon. Le changement que les Gabonais désirent ne viendrait que s’ils comprenaient que ce ne sont ni les Martiens, ni les Français, ni les Américains qui viendraient les libérer de la malédiction bongoïste à leur place, mais eux-mêmes.
D’où donc l’idée de cette Coalition Gabonaise du Refus et de Salut National dont nous sommes venus poser les bases à Paris.
La Coalition Gabonaise du Refus et de Salut National est une structure de rassemblement née du désir des Gabonais de voir se fédérer les forces politiques et civiles radicales de la société gabonaise, c’est-à-dire une plateforme inclusive et ouverte, mais qui réunit uniquement les acteurs et organisations politiques et civiles qui pensent que le régime Bongo est à court d’idées, qu’il ne peut plus rien faire pour le Gabon, et que ce régime doit être mis, ne fût-ce que temporairement, à la retraite pour permettre une renaissance de la société gabonaise.
Il s’agit donc de célébrer par des actions et stratégies conjointes ce que nous avons tous en partage, c’est-à-dire le désir de libérer le Gabon de sa malédiction bongoïste.
Dans ce modèle d’unité, ce qui prime, c’est ce que nous avons en partage et non ce qui nous différencie. Vous pouvez ainsi voir dans le schéma qui vous a été distribué le modèle qui caractérise ce que nous sommes et ce que nous essayons de faire au sein de cette Coalition en gestation. Comme en mathématiques, il s’agit d’imaginer la Coalition comme une rencontre de grands ensembles qui ont, d’une part, leurs propres particularités et de l’autre, au centre, ce qui leur est commun. Ainsi, un groupe comme le BDP conserve, dans sa particularité, la capacité d’agir dans le sens qui lui est propre et sur la base de l’idéologie qui lui est particulière, alors qu’au centre, il agit d’agir avec les autres dans le contexte de ce qu’il partage avec les autres.
Ce modèle de rassemblement sans chef, qui ne se construit pas autour de personnes, mais d’idées, reste le modèle qui, demain permettra aux Gabonais de commencer à rassembleur leurs forces autour de l’idéal de changement immédiat auquel nous aspirons tous.
Changer le Gabon, c’est ultimement la capacité de refuser l’animalisation en déclarant, sans ambages, qu’Omar Bongo est le premier responsable de la débâcle quadragénaire de notre pays et donc de positionner, en face du régime Bongo, un front du refus qui reconnaît que c’est un véritable exercice en futilité que de reprocher uniquement à l’entourage d’Omar Bongo les errements et les crimes commis sous le regard approbateur d’Omar Bongo lui-même, et ensuite d’aller demander à Bongo de punir les crimes qu’il a lui-même autorisés et même récompensés par des nominations. Aux yeux de la Coalition et du BDP-Gabon Nouveau, cette méthode qui consiste à demander à Bongo de punir son entourage, autrement dit à se punir lui-même, est contre-productive et condamne le pays à la pérennisation du bongoïsme, c’est-à-dire à la permanence de la corruption et du chaos institutionnel au Gabon.
Il faut plutôt à la société civile et politique gabonaise avoir le courage de se poser la question suivante : comment se fait-il qu’après 5 premiers ministres différents et plus de 30 rafistolages gouvernementaux en 41 ans de pouvoir, il n’y ait jamais pu y avoir de progrès notable au Gabon ? Si les changements de Premiers ministres, les dizaines de remaniements de gouvernements et les multiples absorptions d’opposants n’ont jamais pu apporter le développement dont le pays avait pourtant urgemment besoin, c’est qu’il y a eu blocage quelque part. D’où peut donc bien venir ce blocage et quelle est la seule personne qui n’a jamais changé de position en 41 ans de régime Bongo ? La réponse à cette question est simple et directe : C’est Omar Bongo qui n’a jamais été changé et c’est lui qui, depuis 41 ans, bloque le progrès du Gabon par son incompétence, la corruption et son amour trop démesuré des détournements de biens publics.
La seule solution, pour les Gabonais, consiste dès lors à demander le départ des incompétents en disant clairement leur refus de continuer à subir. Oui, chers compatriotes, le salut du Gabon réside uniquement dans la constitution d’un front national du refus dans lequel les citoyens que nous sommes diront :
– NOUS, Gabonais coalisés, sommes fatigués de négocier chaque année les mêmes vieux problèmes ; le temps de dire « stop » est donc arrivé ; les Gabonais ne négocieront plus jamais rien avec le régime Bongo, en dehors de son départ.
– NOUS, Gabonais coalisés, sommes fatigués de parler et nous ne répondrons plus aux invitations d’Omar Bongo à négocier les mêmes vieux problèmes chaque année sans que ces invitations mènent à des solutions durables ;
– NOUS, Gabonais coalisés, sommes fatigués des promesses jamais tenues et nous ne voulons plus rien entendre qui puisse venir de la bouche d’Omar Bongo vu que ce sont toujours les mêmes vieilles promesses jamais réalisées qui se répètent d’années en années ;
– NOUS, Gabonais coalisés, sommes fatigués des mensonges qui nous disent qu’il y a crise alors que le train de vie de la famille Bongo, des membres du régime et de l’état ne cesse de détourner la richesse nationale, ne laissant que misère, paupérisation et précarité pour le reste du peuple.
– NOUS, Gabonais coalisés, sommes fatigués de mendier des miettes à cause des détournements qui voient chaque année l’argent du Gabon s’envoler vers des banques et propriétés immobilières personnelles à l’étranger et nous ne pouvons plus tolérer de devoir devenir des mendiants d’un patrimoine qui revient pourtant de droit à la communauté nationale gabonaise ;
– NOUS, Gabonais coalisés, sommes fatigués d’attendre un développement qui ne vient jamais et qui, malgré les multiples gouvernements de combat et d’ouverture, et malgré les multiples prétendus rénovations et « projets pour le Gabon », n’est jamais venu ;
– NOUS, Gabonais coalisés, sommes fatigués de mourir de mort lente et de génocide économique à cause de la misère qui frappe inexplicablement un pays pourtant nantis de richesses immenses pour une population d’à peine 1 million d’habitants.
– NOUS, Gabonais coalisés, sommes fatigués de laver le linge sale en famille et de subir les mensonges qui pérennisent le bongoïsme au Gabon ; c’est sur la place publique nationale et internationale que nous laverons désormais le linge sale gabonais ;
– NOUS, Gabonais coalisés, demandons désormais une seule chose : le départ immédiat et inconditionnel des incompétents ; par conséquent, la seule chose que NOUS, Gabonais coalisés, négocierons, c’est le départ immédiat et inconditionnel d’Omar Bongo et de son régime ;
Et pour cela, nous Gabonais coalisés sommes prêts à prendre nos responsabilités de citoyens pour obtenir, par tous les moyens possibles, ce départ.
Je vous remercie.
23 Réponses à Discours du Dr Daniel Mengara aux Coalisés: “Pour que le Gabon change, il faut que le pays ne soit pas trop calme et que le régime Bongo ne soit pas laissé tranquille dans son animalisation du Gabon”