Socialisez

FacebookTwitterRSS

Omar Bongo, la mort du doyen de la Françafrique

Auteur/Source: · Date: 8 Juin 2009
Catégorie(s): Politique

Sa disparition, à 73 ans, annoncée par Le Point, marque la fin d’une saga africaine intimement liée à la France. Il laisse un pays sous-développé mais des intérêts gigantesques aux mains d’un clan désuni.

La mort d’Omar Bongo a été annoncée dimanche soir par le site internet du Point, citant une une source proche de son entourage. Avec sa disparition, à l’âge de 73 ans, c’est bien davantage que le doyen des chefs d’États africains qui quitte la scène. C’est un dinosaure qui tire sa révérence, le dernier des Mohicans, la figure la plus emblématique d’un système, la Françafrique, qu’il résumait mieux que nul autre, avec son cortège d’intérêts croisés, de liens occultes et d’affaires souvent pas très claires. Une page d’histoire se tourne. Significativement, la mort du «plus vieil ami africain de la France» survient à un moment crucial des relations entre l’ancienne puissance coloniale et le continent noir.

Depuis deux ans, à l’Élysée, Nicolas Sarkozy fait de la «rupture» la pierre angulaire de ses relations avec l’Afrique. Mais on ne met pas si facilement au rencard un vieux crocodile, surtout quand il s’appelle Bongo. «Et que voulez-vous que l’on fasse, on ne peut pas le tuer tout de même ?», s’indignait récemment un ministre de la République à qui l’on objectait qu’en dépit de l’aggiornamento annoncé, les vieilles habitudes continuaient d’avoir la vie dure avec certains dirigeants africains. Une image, diffusée à l’époque en boucle sur les chaînes de télévision gabonaises, témoigne de l’influence jamais démentie d’Omar Bongo dans le «village» franco-africain : celle de Nicolas Sarkozy, parmi bien d’autres obligés, rendant visite au «vieux» dans sa suite d’un palace parisien durant la campagne présidentielle. Le jour même de son élection, le successeur de Jacques Chirac à l’Élysée appelait l’inamovible président gabonais pour le remercier de ses avis et de ses conseils.

Autre signe parlant, la cohorte des ministres français se pressant, en mars dernier, aux obsèques de la première dame du Gabon, Edith Lucie, la fille du président congolais Denis Sassou Nguesso décédée d’un cancer après une longue hospitalisation au Maroc. C’est qu’au fil des décennies, Bongo a su se rendre incontournable, incarnant la stabilité, l’allié fidèle à l’ONU, à la tête d’un pays hébergeant quelque 10 000 ressortissants français et une base militaire.

De Gaulle, Pompidou, Giscard d’Estaing, Mitterrand : au pouvoir depuis 1967, Omar Bongo les a tous pratiqués avec connivence. Mais au-delà, les réseaux de ce «frère» éminent de la Grande Loge nationale française s’étendaient à toutes les sphères politiques et médiatiques. Il savait tout sur tous, sa meilleure assurance-vie : «Je ferais couler beaucoup de gens», disait-il, en guise de menace à peine voilée.

Au printemps 2008, une de ses colères a de toute évidence coûté son poste au ministre de la Coopération Jean-Marie Bockel, pour des propos un peu trop abrupts contre la Françafrique. On a beaucoup prêté au «doyen», comme le financement de bien des campagnes électorales, sans jamais le prouver. On ne prête qu’aux riches, dit-on. Or Omar Bongo était très, très riche.

«Blanc comme nègre» face aux affaires

C’est ainsi une autre coïncidence de voir partir le président gabonais alors que se multiplient contre lui les accusations de détournements d’argent public. Selon Transparence international France et l’association Sherpa, les «biens mal acquis» par le président gabonais recouvriraient quelque 70 comptes bancaires ouverts en France au nom de sa famille et 33 biens immobiliers prestigieux, dont une dizaine d’appartements à Paris, équivalant à plus de 150 millions d’euros. Deux plaintes, déposées par ces associations, ont été classées sans suite en 2007 et 2008 par le parquet. Celui-ci pourrait faire appel d’une troisième plainte, déposée par un homme d’affaires français emprisonné en 1996 à Libreville à la suite d’un différend commercial avec le chef de l’État gabonais. Ce dernier se proclamait «blanc comme nègre», dans un livre d’entretiens (Grasset 2001).

Son long parcours relève de la saga africaine. Né sous le nom d’Albert-Bernard Bongo le 30 décembre 1935 dans une bourgade de la province du Haut-Ogoué, rebaptisée plus tard Bongoville, ce Téké (l’ethnie bantoue minoritaire) fait ses études primaires et secondaires au Congo. Après son service militaire, il devient un agent subalterne des services secrets français et travaille aussi comme commis des postes.

Mais l’ambitieux Bongo saura tracer sa voie jusqu’aux plus hautes destinées dans le sillage du premier président du Gabon indépendant, Léon Mba. En 1960, Bongo est son vice-président et son bras droit avant de lui succéder après sa mort en 1967, avec la bénédiction du grand manitou des «affaires africaines et malgaches» à l’Élysée, Jacques Foccart.

En 1968, il fonde le Parti démocratique gabonais, parti unique jusqu’à l’instauration en 1990 d’un pluralisme de façade. Jusqu’au bout, Omar Bongo est resté l’unique détenteur d’un pouvoir dont il fut la clé de voûte. Habile et madré, il n’a pas son pareil pour verrouiller une campagne électorale (les scrutins se déroulent à échéance régulière) et monnayer le ralliement de ses opposants ou les museler. L’homme sait aussi se muer en caméléon quand il le faut. Pour obtenir une audience avec Paul VI, il se fait baptiser catholique. En 1973, il se convertit à l’islam et devient El Hadj Omar Bongo Ondimba, afin, dit-on, de s’attirer les bonnes grâces des pays de l’Opep, en majorité musulmans…

Omniprésence de la famille

Le 27 novembre 2005, il est réélu avec 79 % des suffrages lors d’élections que l’opposition juge entachées de fraudes massives. Imperturbablement, le «doyen» donne une fois de plus raison aux affiches qui s’étalent partout dans le pays : «Bongo, j’en veux toujours plus !»

Le nerf de la guerre, il est vrai, ne lui a jamais manqué. Peuplé de 1,3 million d’habitants seulement, l’«émirat gabonais» est un pays riche de son pétrole, de sa filière bois et de ses gisements de manganèse et de fer. En quarante ans de règne, toutefois, Omar Bongo n’aura que très modérément fait fructifier cette manne. Malgré ses immenses ressources naturelles, le pays se classe toujours 123e sur 177 au classement de l’indicateur de développement humain des Nations unies. Près d’un demi-siècle de pouvoir ne lui aura pas laissé le temps de construire plus de 900 kilomètres de routes…

Impeccablement sanglé dans ses costumes Smalto ou drapé dans une cape à la Mandrake, Omar Bongo ne boudait pas la scène diplomatique. On le retrouvait en médiateur dans nombre de conflits et de différends africains, toujours prompt à endosser la tenue du sage que lui valait de facto son ancienneté parmi ses pairs.

Autre clé du système Bongo, son clan. Au gouvernement comme dans l’administration, l’économie ou les médias, la famille du président est omniprésente. L’homme, il est vrai, n’a jamais ménagé sa virilité, la rumeur publique allant jusqu’à lui attribuer plusieurs dizaines d’enfants. Proche parmi les proches, sa fille Pascaline dirige son cabinet. Le mari de celle-ci, Paul Toungui, est ministre de l’Économie et des Finances. Le fils préféré du président, Ali, souvent présenté comme un possible successeur, est ministre de la Défense. «Il n’y aura pas de dynastie Bongo», se plaisait-il à dire. À voir. Même si le baobab est à terre, il est fort probable que l’après-Bongo portera, d’une façon ou d’une autre, la marque du clan.


SUR LE MÊME SUJET
Dans un article intitulé:"Omar Bongo Ondimba serait-il mort empoisonné?", le journal Orety du Vénérable Jean Boniface Assélé remue le couteau dans la plaie sur le décès du Chef de l'Etat. Et comme on pouvait s'y attendre, on peut en effet lire ceci: "la seule personne restée à ses côtés était la nouvelle femme qu'il avait dotée à Oyem, après la disparition de la très regrettée Edith Lucie Bongo Ondimba. C'est elle qui essayait de l'alimenter avec du lait et du thé, entendu que le Président ne mangeait presque plus. La curiosité vient du fait que lorsque l'état de santé du ...
Lire l'article
Le Premier ministre Jean Eyeghé Ndong a annoncé la mort du chef de l'Etat dans un communiqué publié en fin d'après-midi à Barcelone. Dans la matinée, devant l'hôpital, le Premier ministre Jean Eyéghé Ndong avait encore martelé que le président Bongo était "vivant". Dans la matinée, après "m'être entretenu avec l'équipe médicale" en présence de plusieurs dignitaires gabonais et de membres de sa famille, "j'ai constaté à cette occasion que le chef de l'Etat à qui j'avais rendu visite en unité de soins intensifs était bien en vie", a-t-il rappelé dans son communiqué. "Mais, nous savions tous que l'état de santé du ...
Lire l'article
Le député Noël Mamère (Verts) a affirmé aujourd'hui qu'"on ne va pas pleurer sur une crapule de plus qui disparaît de la planète" au lendemain de la mort du président du Gabon Omar Bongo, "symbole" selon lui de "la Françafrique". "On ne va pas pleurer sur une crapule de plus qui disparaît de la planète. Tous ceux qui sont attachés à la démocratie ne pleureront pas la mort du président Bongo", a déclaré M. Mamère, interrogé sur France Inter. Selon lui, Omar Bongo "était le symbole de tout ce que nous dénonçons depuis 30 ans, c'est-à-dire la Françafrique, ces relations incestueuses, mafieuses ...
Lire l'article
Le président gabonais Omar Bongo Ondimba, au pouvoir depuis 41 ans et doyen des chefs d'Etat africains en exercice, est mort lundi à l'âge de 73 ans en Espagne, ont annoncé les autorités du Gabon, dont les frontières ont été fermées dans la foulée. Omar Bongo, hospitalisé depuis début mai, est mort lundi en début d'après-midi, selon un message du Premier ministre gabonais Jean Eyeghe Ndong remis aux journalistes à Barcelone après une journée d'incertitudes. "C'est à 14H30 (12H30 GMT) que l'équipe médicale m'a informé, ainsi que les officiels et membres de la famille présents, que le président de la République, ...
Lire l'article
Omar Bongo est mort: Message aux Patriotes
Avec l'annonce de la mort d'Omar Bongo commence le moment de vérité pour le Gabon. Nul ne peut certainement se réjouir de la mort et nous ne nous réjouirons pas de celle, plutôt tragique, d'Omar Bongo. Nous aurons, dans les temps qui viennent, notre mot à dire sur cette mort et ce qu'elle représente pour l'avenir du Gabon. Mais comme vous pouvez le constater, dès l'annonce de la mort de Bongo, le régime s'est attaqué au site du BDP dans une tentative de museler le BDP dès le moment où il a été (re)connu que Monsieur Bongo avait disparu. Notre site est donc ...
Lire l'article
près 41 années passées à la tête du Gabon, Omar Bongo est mort dimanche, à 73 ans, des suites d’un cancer, a indiqué au Point une source proche de son entourage. Après avoir suspendu ses pouvoirs à Libreville le 6 mai, le plus ancien chef d’État africain a été admis dans une clinique de Barcelone. Nicolas Sarkozy a été immédiatement informé de son décès. Son épouse Édith Lucie Bongo était décédée le 14 mars des suites d’une longue maladie, à Rabat, au Maroc.
Lire l'article
L’inamovible président du Gabon est mort hier à 73 ans d’un cancer. Depuis le décès de l’Ivoirien Félix Houphouët-Boigny, fin 1993, il avait repris vaillamment le flambeau d’une «Françafrique» en déclin. Doyen des chefs d’Etat sur le continent, le président du Gabon, Omar Bongo Ondimba, est mort dimanche des suites d’un cancer aux intestins dans un hôpital de Barcelone. Il avait 73 ans, et en avait passé plus de quarante au pouvoir, sans coup d’Etat. Un record. Propulsé en 1967 à la tête du petit émirat pétrolier du Golfe de Guinée, ce petit homme aux lunettes noires aura connu et fréquenté pas ...
Lire l'article
Après l’annonce de la cessation de ses activités le 6 mai dernier, pour effectuer son veuvage, à la suite de la mort de sa dernière épouse, la fille de son homologue du Congo (Brazzaville), le président gabonais Omar Bongo a été évacué à Barcelone, en Espagne, dans un établissement privé spécialisé pour observer un repos complet de trois semaines. Selon sa fille Pascaline, grande prêtresse du palais présidentiel, Bongo se porterait bien. Durement frappé par la perte d’Edith née N’guessou, Bongo avait annoncé auparavant s’arrêter momentanément, comme le veut la tradition gabonaise, pour se ressourcer. En outre, et même s’il paraissait ...
Lire l'article
le dictateur Bongo du Gabon Le président gabonais Omar Bongo détient désormais le record de longévité des chefs d'Etat en exercice, à l'exclusion des monarques, depuis le retrait de Fidel Castro après 49 ans au pouvoir.  Omar Bongo, au pouvoir au Gabon depuis novembre 1967, soit plus de 40 ans, est le nouveau doyen, juste avant le colonel Mouammar Kadhafi, au pouvoir en Libye depuis septembre 1969. Pour les monarchies, c'est le roi Bhumibol de Thaïlande qui reste en tête avec près de 62 ans de règne depuis son accession au trône en juin 1946. Il est suivi de près par Elizabeth II ...
Lire l'article
le dictateur Bongo Franchement, quelle gloire y a-t-il à tirer de son statut de doyen des chefs d'Etat africains, dans ce contexte de plus en plus difficile où les dieux de la popularité semblent vouloir déserter les petits mondes de dirigeants trop longtemps restés au pouvoir ? Quelle fierté y a-t-il à tirer de ce statut particulier alors que, l'un après l'autre, sont indexés tous ces dirigeants africains, qui conçoivent le pouvoir comme un costume taillé uniquement à leur mesure ? Voilà 40 ans que la flore politique gabonaise est dominée par un baobab nommé Omar Odimba Bongo. Un baobab dont une certaine ...
Lire l'article
De quoi est-il mort Omar Bongo Ondimba?
Omar Bongo est mort
Bongo: “une crapule disparaît”(Mamère) Le député Noël Mamère (Verts) a affirmé aujourd’hui qu'”on ne va pas pleurer sur une crapule de plus qui disparaît de
Le président du Gabon, Omar Bongo Ondimba, est mort
Omar Bongo est mort: Message aux Patriotes
Omar Bongo est mort
Avec Omar Bongo, c’est un bout de la Françafrique qui disparaît
Omar Bongo hospitalisé en Espagne, Fin de règne pour le doyen de la chefferie africaine ?
Bongo, doyen des chefs d’état non monarques
Omar Bongo, un “doyen” qui se plaît dans son rôle

Votez cet article (Cliquez les étoiles · 1 = mauvais - 5 = excellent)
1 étoile2 étoiles3 étoiles4 étoiles5 étoiles (2 votes, moyenne 2,00 sur 5)
Loading...

Auteur/Source: · Date: 8 Juin 2009
Catégorie(s): Politique
Fil RSS 2.0 · Commentaires/Trackback autorisés

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*