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La Recolonisation de la Côte d’Ivoire est en cours (Dr. Daniel Mengara)

Auteur/Source: · Date: 5 Avr 2011
Catégorie(s): Afrique,Analyses,Commentaire,Françafrique,Monde,Opinion,Photos

C’est en lisant, étendu sur mon lit à trois heures du matin de ce mardi fatidique, un article en ligne de TF1 intitulé « Côte d’Ivoire: la France en appui pour l’assaut final sur Abidjan », que le choc m’est finalement venu. Et dans ma tête, presque instinctivement, le titre de cet article s’est trouvé reformulé, reconfiguré, pour asséner à mon esprit embrumé par le sommeil du petit matin la réalité effrayante d’une Afrique, surtout francophone, renouant avec ses vieux démons.

Au titre de TF1 disant « Côte d’Ivoire: la France en appui pour l’assaut final sur Abidjan » s’est inexorablement substitué un autre titre qui, lui, me parlait et me disait : « Recolonisation de la Côte d’Ivoire en cours ».

Et comme par hasard, sous mes yeux rougeoyant de sommeil commencèrent à défiler les images de la vidéo que TF1 avait judicieusement soumise à la contemplation des lecteurs pour étayer sa présentation. Dans les images qui défilaient, je vis le ciel d’Abidjan s’embraser sous l’effet des soudaines et massives explosions des missiles lancés sur l’armée ivoirienne par les hélicoptères de guerre français. Les images du ciel embrasé de Bagdad lors des deux guerres du Golf me vinrent à l’esprit. « Recolonisation de la Côte d’Ivoire en cours », ne cessais-je de me dire.

Oui, le titre de cet article disait tout : la France était venue « en appui [aux rebelles ?] pour l’assaut final sur Abidjan », en utilisant bien-sûr le fallacieux argument selon lequel la résolution 1975 du Conseil de Sécurité autorisait l’usage de la force pour protéger les populations.

Etrange, pourtant, que ce soit au fameux jour de l’assaut final des « rebelles », alors même que Gbagbo était déjà un président « par terre », et son armée quasiment vaincue, que la France a choisi de finalement venir « protéger » des populations qui, pourtant, se font copieusement trucider par les deux camps depuis des mois.

Etrange, encore, que dans son soudain élan d’humanisme pour les pauvres populations d’Abidjan, la France (et l’ONU ?) ait conclu qu’il n’y avait que les armes d’un seul camp qui faisaient des victimes au sein des populations. Quand le camp Gbagbo tirait, c’était le génocide, les charniers et les tirs aveugles, mais quand le camp Ouattara tirait, ses balles passaient comme par magie au travers des corps et des maisons des Ivoiriens, sans tuer personne parmi les populations civiles et sans faire de dégâts matériel.

Cet étrange « assaut final » des Français, qui a permis aux rebelles de finalement briser les dernières poches de résistance des Gbagbistes, et détruit les dépôts de munition, les camps et l’artillerie lourde qui permettaient encore à ce camp de livrer ses dernières batailles, a, dans l’esprit de pas mal d’Africains, moi-même compris, comme un arrière goût de déjà-vu, de déjà-vécu, de déjà-subi.

« Recolonisation de la Côte d’Ivoire en cours », ai-je dis plus haut.

La cause étant entendu, il reste à faire les bilans. Comment en est-on arrivé à ça ?

Le premier constat est assez simple : la France de Nicolas Sarkozy vient de parachever ce que la France de Jacques Chirac n’avait pu terminer depuis 2002 par Forces nouvelles interposées. Et c’est dans le sillage de ce constat que l’on se rend finalement compte que le sort de la Côte d’Ivoire était scellé depuis l’apparition magique des Forces nouvelles en 2002.

L’ « interposition » entre belligérants du dispositif militaire français « Licorne » en 2002 est à ce titre édifiante. La France avait-elle besoin, par exemple, de maintenir, en parallèle du dispositif ONUCI diligenté par les Nations Unies, un dispositif militaire indépendant et autonome qui n’avait aucun compte à rendre à la communauté internationale ? Et comment expliquer le paradoxe suivant ? En 2002, la France expliquait son « interposition » comme une conséquence des « accords de défense » signés entre les deux pays, ce qui l’autorisait à intervenir pour sauver son « allié » la Côte d’Ivoire. En 2011, ces « accords de défense » semblent bizarrement s’être volatilisés, la Force Licorne ayant, cette fois, laissé « passer » les « rebelles », abandonnant ainsi la Côte d’Ivoire aux affres d’une guerre civile savamment fomentée, fabriquée, préparée, orchestrée, puis diligentée par elle, et ce depuis 2002.

Et il y a, dans l’affaire ivoirienne, d’autres anachronismes. Quand, par exemple, la France s’« interposa » en 2002 après avoir néanmoins permis aux « rebelles », en un temps record, de conquérir puis de contrôler administrativement et politiquement près de 60% du territoire de la Côte d’Ivoire, 60% de territoire où le gouvernement légitime n’exercerait plus , dès lors, aucune réelle autorité, ne pouvait-on pas déjà voir, dans ce paradoxe, se dessiner le spectre de ce qui, finalement, s’est produit en Côte d’Ivoire en 2011, c’est-à-dire la recolonisation pure et simple de la Côte d’Ivoire par la France, quoique par « rebelles » interposés ?

Que l’on s’en souvienne : pour laisser l’avantage du terrain aux Forces nouvelles en 2004, et priver l’armée ivoirienne du moyen le plus efficace qu’il avait de vaincre les rebelles (avions et hélicoptères), Chirac avait ordonné la destruction de tous les moyens militaires aériens dont disposait la Côte d’Ivoire. Officiellement, la France voulait empêcher les forces gouvernementales d’attaquer de nouveau les positions françaises dans le pays, à l’instar du raid du 6 novembre 2004 par lequel, semble-t-il, des avions ivoiriens se seraient attaqués « sans raison » aux forces françaises stationnées en interposition à Bouaké. Officieusement, cependant, cette réaction démesurée et disproportionnée de Chirac cachait une tout autre réalité. L’attaque française visait, en réalité, à rendre le gouvernement de Gbagbo incapable de mener l’assaut contre des rebelles manifestement en accointance avec les forces françaises. Une volonté à peine voilée, donc, d’affaiblir le régime de Laurent Gbagbo. Dès lors, il me semble, Gbagbo était un président « par terre » car sans véritable moyen d’assurer militairement la défense de son pays. Il était ainsi à la merci des « rebelles » que la France s’« efforçait » de « contenir » en s’interposant, et ceci dans un pays coupé en deux dans le cadre d’un statut quo militaire qui pouvait à tout moment rebasculer dans la guerre civile.

De là à conclure que cette « interposition » de la France en 2002 aurait plutôt eu pour objectif réel et non avoué de préparer la guerre civile en Côte d’Ivoire, et donc la reconquête néocolonialiste de ce pays, il n’y a qu’un pas !

Un pas que, de ma nuit ensommeillée par l’éveil au New Jersey, je franchirai allègrement en disant que, élection ou pas élection, fraude ou pas fraude, dictature ou pas dictature, la Force Licorne n’avait été mise en place en Côte d’Ivoire que pour préparer la reprise en main du pays par . . . la France. Pour n’avoir jamais insisté sur le démantèlement militaire et politique des « rebelles » venus du Nord, la France souhaitait tout simplement se donner le couvert nécessaire pour une reprise éventuelle des hostilités. Ce qu’elle ne pouvait faire trop directement à l’époque où Gbagbo était encore populaire en Côte d’Ivoire, elle allait l’obtenir indirectement non seulement par le prétexte tout trouvé de l’usurpation du pouvoir par Laurent Gbagbo, mais aussi par le couvert des Forces nouvelles rebaptisées en Forces républicaines de Côte d’Ivoire pour la circonstance.

Autrement dit, l’élection présidentielle de 2010 en Côte d’Ivoire avait déjà un gagnant obligatoire AVANT même sa tenue. Ce gagnant allait et DEVAIT forcément être Alassane Ouattara, le candidat soutenu par la France, et ceci que les Ivoiriens le veuillent ou pas. En d’autres termes, même s’il y avait eu transparence et Gbagbo avait fini vainqueur reconnu par tout le monde, les « rebelles » allaient forcément reprendre leur marche et conquérir le pouvoir par la force. Du coup, qu’il gagne ou qu’il perde, Gbagbo était déjà perdant. Il n’avait de choix qu’entre deux réalités cruelles: perdre ou perdre. La France n’allait jamais laisser Gbagbo au pouvoir au-delà de 2011, même si Gbagbo avait gagné l’élection présidentielle.

Il se trouve malheureusement pour Laurent Gbagbo qu’il s’est produit, là encore, une cruelle ironie du sort. Le cas Ouattara est probablement l’un des rares cas en Afrique où un candidat de la France françafricaine aura pu légitimement gagner une élection. Il ne fait aucun doute dans mon esprit, nonobstant ce qu’en diront ceux qui s’opposent à Ouattara simplement parce qu’il est le candidat de la Françafrique, que c’est bel et bien Alassane Ouattara qui a gagné l’élection présidentielle de 2010 en Côte d’Ivoire. Mon devoir de démocrate et d’intellectuel me pousse, avant tout autre chose, à reconnaître cette réalité car, malgré mes préférences gbagbistes, je ne puis me résoudre à ignorer la réalité, certes cruelle, qui voudrait que l’on reconnût, en toute objectivité, qu’Alassane Ouattara fut gagnant de cette élection.

La réflexion ne doit donc pas s’éterniser sur la question de savoir lequel des deux a gagné puisque cela me semble évident. La question, encore fois, doit plutôt s’appesantir sur le « comment en est-on arrivé là ? », et à qui la faute ?

La faute, elle est d’abord celle de nous-mêmes Africains, nous qui croyons encore que les occidentaux viennent chez nous parce qu’ils nous aiment. C’est notre faute parce que, malgré les évidences de l’histoire, nous continuons à attendre d’eux, bien naïvement, qu’ils se montrent moraux vis-à-vis de nous. Sur ce point, je suis au regret de le dire, nous nous sommes non seulement toujours fourvoyés, nous avons également suscité en eux une attitude paternaliste à notre égard, faisant ainsi d’eux à la fois juges et parties de nos déboires, défenseurs et pourfendeurs de nos destinées, libérateurs et bourreaux de nos peuples. Tant que nous n’aurons pas compris que le monde dans lequel nous vivons est basé sur la loi naturelle, bien simple, du plus fort, celle de la survie, bien simple, du plus apte, nous ne mériterons plus de nous plaindre des ingérences occidentales. Les occidentaux dominent le monde aujourd’hui parce qu’ils ont en eux une fibre particulière, celle d’un nationalisme doublé d’un patriotisme à toute épreuve : ils ont, en cela, un sens extrêmement aiguisé de ce qu’on appelle l’intérêt national. Pour cet intérêt, ils sont prêts non seulement à défendre leur pays et leurs peuples contre toutes agressions extérieures, mais aussi à écraser d’autres peuples pour l’avancement des leurs.

Cruauté de la vie ? Oui. Immoral ? Peut-être. Mais c’est bel et bien là que se trouve la leçon de la vie. Pour survivre, l’Afrique doit apprendre à dominer. Pour s’affirmer, elle doit apprendre à se battre. Non pas gratuitement, mais pour défendre un idéal, celui de l’Homme, fier, libre, affirmé. Elle ne doit plus rien attendre des autres, mais tout attendre d’elle-même. Dès lors que nous, Africains, n’aurons toujours pas compris qu’il n’y a, entre les humains, aucune relation qui soit basée sur la moralité, les plus forts (Occidentaux, Blancs, Asiatiques, Arabes) continueront à dominer les plus faibles (Africains, Nègres).

La force de ceux qui dominent et déterminent le cours de l’histoire et des peuples vient, justement, du fait qu’ils sont, avant tout, des peuples fiers qui s’aiment et se protègent tout en assurant la survie de l’espèce, leur espèce. Notre faiblesse à nous, Africains, vient du fait que n’ayant encore rien compris à ce que c’est que d’être un peuple, c’est-à-dire une communauté construite autour de ces valeurs de fierté et d’intérêt communs qui font la bonne fortune des nations fortes du monde, valeurs que chaque membre de cette communauté se doit de défendre au prix de sa vie, nous nous sommes toujours situés au bas de l’échelle de la chaîne humaine. Dans cette équation aux cruelles colorations, nous nous retrouvons toujours perdants et toujours la proie du type de recolonisation actuellement en cours en Côte d’Ivoire.

Et c’est là tout le drame de l’Afrique.

Hier, ils vinrent chez nous donner des manteaux de fourrure à nos rois qui, dès lors, ruisselant de sueur en pleine chaleur tropicale, leur vendirent leurs frères en échange. Nous devînmes ainsi, docilement, leurs esclaves. Aujourd’hui, au moment même où nous nous croyions devenus indépendants plus de 50 ans après nos fameuses indépendances, ils revinrent chez nous soutenir des candidats comme Alassane Ouattara, dont la destinée manifeste sera obligatoirement de régner en dictateur. Car après les troubles que la Côte d’Ivoire aura traversés pour le mettre au pouvoir, sous l’égide, justement, de « Papa Françafrique », il faudra être naïf pour croire que Ouattara pourra démocratiquement diriger la Côte d’Ivoire. Quand on conquiert le pouvoir par la force et la guerre civile, on se condamne à un règne de dictature car un régime militaire est alors obligatoire pour « épurer » la société de tous les éléments insurrectionnels qui pourraient y subsister. La Côte d’Ivoire passera ainsi tout simplement d’une dictature Gbagbo (non avalisée par la France, donc à supprimer) à une dictature Ouattara (avalisée par la France, donc durable). Ouattara ne pourra, dans ce cas, qu’instaurer un régime similaire à celui de Blaise Compaoré au Burkina Faso, où les gens votent dans des simulacres d’élections, canon de Kalachnikov à la tempe.

La faute, c’est ensuite celle de Laurent Gbagbo.

Mon Dieu, quel gâchis ! Et quelle transformation de la part d’un homme s’étant toute sa vie situé du mauvais côté de l’histoire, et qui, une fois arrivé au pouvoir par la grâce de Dieu, et des Ivoiriens, abandonna ses idéaux démocratiques pour devenir, à son tour, un dictateur ! Et quelle différence entre le Gbagbo de 2000, adulé et défendu bec et ongles par les Ivoiriens, et le Gbagbo de 2011, corrompu et propagandiste, tenant du dangereux discours de l’« ivoirité », et dont la chute certaine est vécue presque dans l’indifférence par les Ivoiriens désabusés et aujourd’hui fatigués de « leur » Gbagbo, du Gbagbo chef de guerre, un Gbagbo qui semble ainsi avoir raté le coche de l’Histoire.

Les simples d’esprit accuseront sans aucun doute la Françafrique, alors que le malaise de l’Afrique, celui qui frappe des hommes comme Gbagbo, est beaucoup plus profond que cela. Mais le pire c’est quand un homme que l’on croyait intelligent crée lui-même les conditions de son évincement (et tant de morts inutiles), par la démonstration déroutante d’un profond manque de clairvoyance, et d’intelligence. Il a tout simplement donné un prétexte facile aux Français qui, aujourd’hui, en ont profité pour l’évincer. Il leur a donné les arguments. A quoi s’attendait-il d’autre ?

Certes, nous reconnaissons tous en Gbagbo un vrai patriote ivoirien. Mais le simple fait du patriotisme suffit-il à en faire un homme d’état capable de se plier aux règles démocratiques, ou de montrer le type de vision qui fait les grands hommes et élève les peuples ? En près de 10 ans de pouvoir, Gbagbo a non seulement été incapable de démocratiser son pays, il s’est également progressivement érigé en dictateur beaucoup plus préoccupé par la préservation du pouvoir que par la construction d’une nation encore plus forte, encore plus unie et, donc, encore plus Grande.

Pourtant, avec un peu de clairvoyance, Laurent Gbagbo aurait encore pu se tirer assez facilement de cette situation et peut-être même éviter cette guerre fratricide à son pays. Tout ce qu’il avait à faire, au sortir de l’élection présidentielle, était de faire annuler toute l’élection sur toute l’étendue du territoire national, forçant ainsi l’ONU, la communauté internationale, et même Ouattara, à considérer la possibilité de repartir à de nouvelles élections.

Une décision d’annulation était-elle plausible ? Oui, car entièrement soutenue par la Constitution ivoirienne. Cette constitution prévoyait en effet que si, lors d’une élection comme celle-là, il était constaté des irrégularités de nature à fondamentalement remettre en cause le résultat du vote, l’annulation pure et simple restait la seule manière de garantir que la voix des Ivoiriens serait entendue dans le cadre plus transparent d’une nouvelle élection, cadre qui n’aurait pas manqué d’être (re)négocié par les différentes parties, pour une plus grande crédibilité. Or, vu les plaintes avancées par les deux camps, il semblait justement se dégager une unanimité qui faisait que Gbagbo et Ouattara, en s’accusant mutuellement d’irrégularités dans leurs fiefs, et en se disant chacun vainqueur, donnaient sans le savoir au Conseil constitutionnel les arguments qui eussent permis à ce Conseil de tout simplement annuler le résultat, permettant ainsi de nouvelles négociations en vue d’un meilleur scrutin. Ceci aurait permis à Gbagbo de rester provisoirement président jusqu’à la prochaine élection, voire gagner du temps, et peut-être reconsidérer son avenir politique en toute dignité.

Mieux, l’annulation est la seule issue qui eût permis de couper l’herbe de dessous les pieds des adversaires de Gbagbo, la France en premier, car ils n’auraient pas eu beaucoup d’arguments pour pousser les Ivoiriens à la guerre civile face à une annulation qui renvoyait les adversaires dos à dos. Quelle mouche avait donc piqué Gbagbo d’aller s’autoproclamer arbitrairement président, et ce d’une manière qui aura finalement permis à ses adversaires de trouver les arguments pour le défaire, alors même qu’il pouvait utiliser son Conseil constitutionnel pour tout simplement faire annuler l’élection, ce qui aurait eu comme résultat de donner au moins l’impression d’une démocratie ivoirienne triomphante, tout en projetant tous les regards vers l’avenir ?

La chute de Gbagbo est donc de son propre fait, de sa propre stupidité et, finalement, le résultat naturel auquel on doit s’attendre quand on finit par faire du pouvoir une fin en soi. Je n’ai aucun doute que Gbagbo aime plus son pays qu’Alassane Ouattara, mais je pense que, en tant que démocrate, on ne peut, comme Gbagbo l’a fait, détourner la voix du peuple sous prétexte de vouloir défendre le pays contre la Françafrique. Le combat démocratique des Ivoiriens est un combat particulier, qui demande une autre philosophie et non une approche propagandiste. Le combat contre la Françafrique, quant à lui, se livre sur un tout autre terrain, celui de l’intelligence. On ne doit pas confondre les deux. Gbagbo semble s’être réduit à une notion tellement rétrograde du pouvoir qu’il ne pouvait plus être utile pour son pays.

Il se peut en effet que Gbagbo ait été mal conseillé. Mais que dire de ces pseudos intellectuels Ivoiriens et Africains qui ont choisi le camp de l’un ou de l’autre alors que les interpellait la simple raison ? Une simple raison qui voulait que les intellectuels africains, devant une situation aussi complexe qui demandait que l’on préservât les acquis démocratiques de la Côte d’Ivoire tout en sauvegardant l’intégrité et la souveraineté du pays, offrissent autre chose que le fanatisme pour l’un ou pour l’autre. Au lieu de cela, c’est le discours partisan et fanatique qui prévalut, entêtant l’un et l’autre des camps vers des voies sans issues qui n’offraient, en contrepartie, que guerre civile et destructions. On a voulu, de part et d’autre, contorsionner les vérités. Par cette attitude incompréhensible, et sans en avoir conscience parce que trop aveuglés par des raisonnements à la limite de la névrose, les deux camps d’intellectuels ont prédisposé le pays à une recolonisation française. Aujourd’hui, c’est chose faite, par Ouattara et compagnie interposés. Quel drame !

Que dire d’Alassane Ouattara ?

La faute de Ouattara n’est pas qu’il soit illégitime. Loin de là. Sa victoire ne fait l’ombre d’aucun doute, n’en déplaise à ceux qui se plaisent à vouloir invalider sa victoire du fait du soutien direct qu’il a reçu de la France et de l’ONU, et du fait des circonstances un peu inhabituelles qui ont vu la communauté internationale reconnaître avec autant de force la victoire d’un candidat africain, au point de remettre en cause la souveraineté des institutions ivoiriennes et de susciter une guerre civile par des partis-pris allant au-delà des coutumes diplomatiques habituelles. Ces circonstances auraient ainsi tendance à conforter la thèse d’un complot françafricain visant la déchéance de Laurent Gbagbo par tous les moyens vu que, au demeurant, il existe d’autres cas en Afrique, notamment dans des pays comme le Gabon, le Togo, le Congo Brazza, le Burkina, où des dictateurs se sont accaparés du pouvoir par des procédés antidémocratiques. Pourquoi s’acharner contre Gbagbo, aurait-on été naturellement amené à demander.

On ne peut, dans l’absolu, rejeter la thèse d’un complot contre Gbagbo. Comme je l’ai dit plus haut, ce complot contre Gbagbo est réel, mais repose, pour une fois, sur une réalité politique qui, grâce justement aux maladresses de Laurent Gbagbo lui-même, a donné au complot françafricain une base presque morale et légitime à partir de laquelle il s’est agi, simplement, de mettre au pouvoir la personne que les Ivoiriens ont bel et bien élue ! Si l’on ne peut en effet nier l’existence d’un complot anti-Gbagbo, on ne peut non plus nier que Gbagbo ait perdu l’élection. S’agissait-il pour autant, parce qu’on sait un complot en préparation, de tout simplement rejeter le vote des Ivoiriens et maintenir Gbagbo au pouvoir parce qu’on n’aime pas la Françafrique ? Il me semble que dans cette équation, la première chose qu’il fallait respecter, c’est le vote des Ivoiriens et, par la suite, choisir de régler les questions françafricaines en un autre contexte et dans le cadre d’un autre combat ! Amalgamer les deux a été politiquement suicidaire.

La faute de Ouattara, donc, est la même que celle qui, il y a 500 ans, assura la mainmise des Européens sur l’Afrique. Ouattara me rappelle quelque peu, un peu beaucoup, ces rois nègres qui, pour des pacotilles, vendirent des peuples entiers aux Blancs qui les emmenèrent travailler le sucre dans les colonies du Nouveau Monde. C’est par leur « Kollaboration » avec les Européens qu’ils permirent aux occidentaux de posséder et de déposséder l’Afrique. Ouattara, pour s’être offert comme pont de passage qui permettra à la France de recoloniser la Côte d’Ivoire, pour avoir permis la quasi partition de la Côte d’Ivoire, pour avoir manqué du type de tact qui lui aurait permis d’arriver au pouvoir « propre », s’est révélé, en fin de compte, pas mieux que Laurent Gbagbo, surtout quand cela s’est fait au prix d’une guerre civile sanglante ayant duré près d’une décennie. Le combat de Ouattara, en fin de compte, n’aura jamais été celui d’un démocrate aux idéaux de grandeur pour son pays. Il vient au pouvoir pour servir les intérêts de ses maîtres, ceux qui auront financé sa guerre éclair pour la recolonisation de la côte d’Ivoire.

Ouattara, comme je l’ai déjà dit, est condamné à devenir lui-même un dictateur car les bons soins des Françafriqueurs qui l’ont poussé à la guerre ne lui auront laissé aucun autre choix. Pour gérer la Côte d’Ivoire d’après-guerre, il devra pendant au moins deux ans asseoir un régime martial et une autorité militaire qui visera avant tout à nettoyer le pays des réfractaires qui ne manqueront pas d’inquiéter son régime. Et cela ne peut se faire qu’au travers d’un Etat policier. La démocratie, pour la Côte d’Ivoire, ce sera pour la prochaine décennie, ou peut-être pas de sitôt. Comme l’a souvent si bien dit Gbagbo, demain est un autre nom de Dieu.

En attendant, le titre évocateur de TF1 continuera sans doute à hanter mon esprit pour les décennies qui me restent à vivre : « Côte d’Ivoire: la France en appui pour l’assaut final sur Abidjan ».

Oui, mes amis, la France a donné l’assaut. En appui.

Un assaut. Final ?

Dans ma tête, ça continue à défiler : « Recolonisation de la Côte d’Ivoire en cours », « Recolonisation de l’Afrique en cours », « Recolonisation des Nègres en cours ».

Dr. Daniel Mengara
Président, Mouvement “Bongo Doit Partir”
Professeur d’études francophones, Montclair State University, New Jersey, USA

Bongo Doit Partir
P.O. Box 3216 TCB
West Orange, NJ 07052

Tel: +1. 973-707-8772
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Auteur/Source: · Date: 5 Avr 2011
Catégorie(s): Afrique,Analyses,Commentaire,Françafrique,Monde,Opinion,Photos
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4 Réponses à La Recolonisation de la Côte d’Ivoire est en cours (Dr. Daniel Mengara)

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