Case à Palabres du BDP-Gabon Nouveau

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Conférences L'arbre à palabres africaines et internationales Discussion 57
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ONDO NDONG
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16-déc-01, 21h09  (Heure de: New Jersey)
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"Quand le BDP s'exprime au Présent..."
 
   Quand le BDP s'exprime au Présent, le Passé garde son
âme de souvenir inquiétant. Elle rôde et laisse à ses
traces une polémique explosive. Les exemples du dit
document traitant de l'affaire Elf, confirment
l'hypothèse du BDP, quant à la grève du 8 au 9
décembre à Paris. Cet texte aussi édifiant que la
pensée bdépienne, remet en cause les accords entre
l'Afrique et la France. Le Gabon fait office de
premier plan.... ! Pour ceux qui n'ont eu l'occasion
de regarder l'émission à Arté, chaine de télévision, à
propos d'Elf, ce document témoigne..... d'autres
affaires mafieuses entre l'Afrique et la France.... ??


--------------

« UNE AFRIQUE SOUS INFLUENCE »

Elf au service de l'Etat français

< > < >

PILIER de l'influence de Paris en Afrique, le groupe pétrolier Elf
Aquitaine étend ses réseaux depuis quarante ans sur le continent noir et
dans la politique française. Un véritable système d'ingérence financière
et politique s'est ainsi constitué. Cette activité, encore mystérieuse,
fait l'objet d'investigations judiciaires, et l'ancien « chargé des
affaires générales » d'Elf, M. Alfred Sirven, est en fuite. Des
perquisitions ont été effectuées au siège parisien de la banque
africaine du groupe, la Fiba. < >

Par OLIVIER VALLÉE
Economiste, auteur de Pouvoirs et politiques en Af rique, Desclée de
Brouwer, Paris, 1999.


< >

Rarement trois lettres auront tant fait parler d'elles, si ce n'est les
sigles de la CIA ou du KGB. C'est d'ailleurs dans ces eaux de l'«
intelligence » autant que dans celles de l'off-shore que plonge le
documentaire « Une Afrique sous influence », réalisé pour la chaîne de
télévision franco-allemande Arte (1 ) sur le groupe pétrolier français
Elf Aquitaine. Le film commence avec le deuil français du pétrole
saharien en 1962. De Georges Clemenceau au général de Gaulle, l'ambition
d'un approvisionnement sous pavillon national hante Paris. Le miracle
gabonais va offrir à la France gaullienne les moyens de ses ambitions,
loin des concessions qu'il faut négocier avec les Anglo-Saxons dans les
terres réservées du Proche-Orient.

C'est dans ce contexte, et à la suite de plusieurs fusions
d'établissements divers, que naîtra en 1965 Elf Aquitaine, une
appellation qui fleure bon le terroir. Mais la province pétrolière du
Gabon, comme le reste de l'Afrique postcoloniale, sera secouée dans les
années 1960 par la contestation de la rue et l'impatience des
militaires. D'où l'entrée en scène des hommes des services secrets -
comme MM. Maurice Robert, Robert Maloubier et d'autres, tous témoins
passionnants de ce documentaire - qui « verrouillent » en première ligne
la garde présidentielle, mais surtout le système politique et économique
de la rente pétrolière.

Ces nouveaux légats choisissent un « correspondant », M. Omar Bongo.
Leur credo, c'est l'ordre et la stabilité dont a besoin « l'émir de la
République », Pierre Guillaumat, premier directeur du groupe pétrolier
et homme-clé du gaullisme (2 ). L'élite des ingénieurs va se reposer sur
le clan des hommes des services pour gérer l'imprévisible,
l'impondérable, bref ce que les équations ne peuvent encadrer. Les
nominations, les expulsions, la surveillance, la délation deviennent les
missions d'une partie du Service de documentation et de
contre-espionnage (Sdece), alors en pleine « gabonisation ». Les
fonctionnaires du renseignement deviennent peu à peu - et officiellement
- les contractuels de la société pétrolière Elf. D'une prétention
nationale à sécuriser un pétrole vital pour la métropole, on passera à
une logique de domination des réseaux politiques africains pour limiter
tout risque de concurrence ou de remise en cause d'accords commerciaux
avantageux pour Elf.

A partir de sa plate-forme gabonaise, Elf et son clan déploient une
politique à l'échelle de l'ensemble du continent africain dans les
années 60 et 70, en symbiose avec Jacques Foccart, conseiller africain
de l'Elysée. On peut citer en particulier l'aventure du Biafra, qui
devait compromettre les intérêts de Shell et de BP au Nigeria - elle
n'empêchera pas M. Robert Maloubier, comme il l'explique devant les
caméras, d'apprécier à Lagos la vodka de celui qu'il nomme le
commissaire politique de l'ambassade d'Union soviétique...

Président du groupe au début des années 1980, M. Albin Chalandon ébranle
peu ce système qui, en toute bonne conscience, pense qu'il sert
fidèlement deux maîtres, l'Etat et Elf. Les serviteurs de la République
s'accrochent de toute façon aux privilèges de l'or noir : c'est de
mauvaise grâce qu'ils font place aux spécialistes de la politique et de
la finance, qui veulent prendre le relais des espions et des baroudeurs.
Dans cette guerre intérieure, ils seront aidés par le président Bongo,
qui, ressources du pétrole aidant, a peu à peu conquis son autonomie à
l'égard de ceux qui se croyaient ses mentors. M. Chalandon mise
d'ailleurs davantage sur M. Denis Sassou N'Guesso, le successeur de M.
Marien Ngouabi à la tête du Congo-Brazzaville, et sur le développement
d'un coûteux champ pétrolifère congolais, Emeraude.

Le clan des « Gabonais » se fond alors dans les services et se réfugie
dans le gaullisme d'outre-mer, non sans se rapprocher de l'extrême
droite. Il garde la confiance des dirigeants d'Elf pour l'Afrique et
celle des chefs d'Etat du golfe de Guinée. La distribution des prébendes
à la classe politique française - dont l'affaire Roland Dumas constitue
l'un des épisodes les plus récents et les plus connus - lie, pendant la
« génération Mitterrand », Paris aussi bien que Brazzaville ou Yaoundé.
L'ex-président du Conseil constitutionnel expliquera d'ailleurs une
partie des importantes sommes en liquide dont il disposait par des
honoraires versés par le président Bongo.

Dès le début des années 80, le politologue Jean-François Bayart évoque
ces « métastases » africaines qui commencent à proliférer dans le corps
politicien de la France. A cette époque, les agents de l'ombre d'Elf se
consacrent d'ailleurs beaucoup plus à des montages financiers à partir
d'Elf Aquitaine International, filiale suisse du groupe ins tallée à
Genève, qu'à la formation de prétoriens ou à la lutte contre les
compagnies rivales. L'enjeu : conserver la formidable rente africaine
pour ouvrir de nouveaux horizons à la société pétrolière, des zones
prometteuses de la Libye à l'Asie centrale.

Pas plus que M. Valéry Giscard d'Estaing, François Mitterrand ne
remettra en cause directement le monde postcolonial d'Elf l'africaine.
Homme de l'empire français, il attendra le sommet franco-africain de La
Baule (1990) pour saluer l'inévitable vent du changement en Afrique
francophone. Pendant ce temps, Elf Afrique organise ses finances et
celles de ses associés africains via la FIBA (French Intercontinental
Bank for Africa), détenue à 43 % par Elf, 50,9 % appartenant à des
actionnaires privés, dont 35% à la famille Bongo (3 ). Quant au « M.
Afrique » du groupe, M. André Tarallo, président d'Elf Gabon, il se dote
d'une flotte d'avions Falcon et renforce la fraction corse du réseau,
liée à l'ancien ministre de l'intérieur Charles Pasqua.

De mystérieux transferts

A partir de 1987, M. Loïk Le Floch-Prigent prend en main les destinées
d'Elf. Dans le reportage de Jean-Michel Meurice et Fabrizio Calvi, il
affirme que « la France en Afrique, c'est Chirac et Pasqua, car, pour
l'Afrique, la France est gaullienne ». Un moule pratique pour Elf comme
pour son PDG et son homme de confiance, M. Alfred Sirven : ils peuvent
ainsi continuer à organiser le pompage financier à côté de celui du
pétrole. Derrière le miroir sans tain, on laisse s'activer les hommes de
M. Tarallo et on appelle à la rescousse les gouvernements de
cohabitation lorsque des difficultés surviennent avec les gouvernements
africains.

Mais, avec M. Sirven, une nouvelle strate de l'action de l'ombre se
déploie. En Angola, où Elf compte ses plus beaux gisements qui lui
confèrent un rôle majeur à côté de Chevron, M. Le Floch-Prigent
n'hésitera pas à envoyer MM. Philippe Bohn et Yves Verwaede négocier
avec l'Union nationale pour l'indépendance totale de l'Angola (Unita) de
M. Jonas Savimbi. Mis en examen dans l'affaire Elf, l'ancien député
européen (Démocratie libérale) Yves Verwaede a certifié qu'il avait
effectué des missions auprès de l'Unita en Angola (4)...

Tout en entretenant ses anciennes relations avec l'Unita, Elf
s'efforcera de présenter une façade respectable au gouvernement de
Luanda : visites d'un diplomate détaché à son service (M. Bernard du
Chaffaut), revues consacrées aux promesses du pays et prêts gagés sur
les recettes pétrolières à venir de l'Etat angolais comme à Brazzaville.
Ces derniers alimenteront la guerre contre l'Unita, qui, de l'aveu même
de M. Le Floch-Prigent, recevait aussi des paiements de la société
Elf... Reste à découvrir quelle part de ces mystérieux transferts a été
récupérée par M. Savimbi et combien les intermédiaires en ont détourné
en route...

L'ancien président congolais Pascal Lissouba a reconnu que, à
l'instigation de M. Omar Bongo, il a reçu de l'argent d'Elf pour sa
campagne électorale et a eu recours à des conseillers en renseignement
comme M. Pierre-Yves Gilleron, rémunéré, d'après lui, également par Elf.
Mais, après sa défaite, il a affirmé que les soldats de son adversaire,
M. Sassou N'Guesso, avaient été ravitaillés en armes angolaises
transportées par des barges de la société Elf - il portera même plainte
contre le groupe à Paris, le 20 novembre 1997. Quoi qu'il en soit, dans
sa précipitation à regagner son hôtel particulier parisien (payé avec la
rente pétrolière), il a laissé derrière lui une documentation accablante
sur le rôle de la FIBA dans les virements de millions de dollars aux
marchands de mort qui livrèrent hélicoptères et bombes à son régime.

Les faits abondent, qui le démontrent : l'action d'Elf en Afrique reste
largement mystérieuse, y compris après l'arrivée de M. Philippe Jaffré,
devenu PDG de la société en 1993, et la privatisation du groupe. Si le
témoignage des hommes interrogés dans l'enquête d'Arte est précieux,
c'est qu'ils expriment comme leurs les objectifs pétroliers de la
France, considérés comme intérêt national. De surcroît, ils manifestent
l'invraisemblable assurance que donne l'illusion du pouvoir légitime et
absolu procurée par l'argent et la puissance.

Couverture de leur enrichissement personnel, cette identification à une
France en quête d'indépendance énergétique les a aveuglés au point
qu'ils ne mesurèrent pas la capacité de résistance de présidents liges
comme MM. Bongo, Lissouba, l'ancien chef d'Etat congolais, qu'ils
pensaient manipuler, ou Eduardo Dos Santos. Là réside sans doute le côté
désuet de ces soldats d'Elf, à l'heure où les batailles pour les
gisements syriens, les aventures iraniennes et les marches de l'Asie
appellent les acteurs modernes de l'ère de la « Totalisation (5) ».

OLIVIER VALLÉE.
<>> Afrique
<>> France
<>> Affairisme
<>> Entreprise


date - sujet - pays
(1 ) Documentaire de Jean-Michel Meurice, Fabrizio Calvi et Laurence
Dequay, une coproduction La Sept-Arte, MK2TV, diffusé le mercredi 12
avril 2000, à 20 h 45, sur Arte.

(2 ) Polytechnicien, fondateur de la direction générale des services
spéciaux (DGSS), il sera ministre des armées du général de Gaulle.

(3) Lire Antoine Glaser et Stephen Smith, Ces Messieurs Afrique,
Calmann-Lévy (tome I en 1992, tome II en 1997). En mars 2000, Elf a
annoncé que la FIBA était en voie de démantèlement par décision de son
conseil d'administration. Elle faisait par ailleurs l'objet
d'investigations judiciaires et son siège a subi un cambriolage.

(4) Hervé Gattegno, « Elf Aquitaine International, ou les caramels
d'Alfred Sirven », Le Monde, 22 décembre 1999.

(5) En octobre 1999, Elf a fusionné avec Total.


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