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Sujet: "L'assassinat de Thomas Sankara !!!"     Précédente | Suivante
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Conférences L'arbre à palabres africaines et internationales Discussion 71
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IB
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22-mai-02, 07h07  (Heure de: New Jersey)
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"L'assassinat de Thomas Sankara !!!"
 
  

Quatre évènements ont marqué ma vie d'homme :

1 - L'assassinat de Thomas Sankara / Une injustice
2 - L'apartheid avec sa fameuse Commission Vérité et Réconciliation / Une injustice
3 - Le génocide rwandais. Pourquoi arrêter et juger les seuls Africains ? Pourquoi François Mitterand et son gouvernement n'ont-ils pas été inquiétés ? Et pourtant, la France y a bombardé trois opérations : Amarilys, Noroît et Turquoise. Les militaires français ont participé aux combats. Pourquoi, diable, la France n'a-t-elle pas été inquiétée ? Une injustice
4 - Le conflit au Congo Brazzaville. Un Président démocratiquement élu, Pascal Lissouba, a été chassé au pouvoir par la France et sa Multinationale Elf Aquitaine, au nom du néo-colonialisme et de l'exploitation de l'homme par l'homme/ Une injustice.

Mais, parlons de Sankara. Il a été assassiné le 15 octobre 1987 par François Mitterand, Guy Penne(Son conseiller), Houphouët Boigny et Blaise Compaoré. On ne saurait trop souligner qu'il n'a pas été renversé par son peuple, et nulle manifestation de soutien à ses assassins n'a pu être organisée. Et si dans la lutte qu'il a engagée contre le néo-colonialisme, la corruption, la gabegie et le népotisme, certains de ses compagnons rejoignirent le camps adverse jusqu'à organiser lâchement son assassinat. Le peuple burkinabè que je respecte, quant à lui, n'a jamais apporté sa caution à ce gouvernement. Bien sûr, l'arrivée au pouvoir de Thomas Sankara n'a pas été saluée par toute la classe politique française qui était aux affaires. Mais, si certains le considéraient comme trop radical, d'autres, par contre, estimaient que Paris pouvait très bien s'entendre avec lui, et prouver ainsi à ses détracteurs qu'ils ne s'opposent pas à une émancipation des pouvoirs politiques du continent.

Quoi qu'il en soit, la ficelle était trop grande, que le conseiller de François Mitterand à l'Elysée, Guy Penne, puisse se déplacer en Côte d'Ivoire pour surveiller l'assassinat d'un dirigeant africain, c'est fort regrettable. Des méthodes que François Mitterand a pourtant condamné à plusieurs reprises sous la présidence du militaire De Gaulle. Il faut savoir que Thomas Sankara faisait peur à ceux qui ont grandi et prospéré grâce aux multinationales de l'Occident. Il faisait peur à ceux qui veulent que l'Afrique reste la chasse gardée des puissances européennes, peur à ceux qui redoutent que son élan ne soit irrésistiblement contagieux, peur à ceux qui veulent maintenir leur règne fondé sur l'arbitraire, la corruption, le pouvoir personnel, peur à ceux qui ne veulent pas que l'Afrique soit affranchie de la tutelle "protectrice" de l'Occident qui les entretient. Raison pour laquelle, il fallait qu'il disparaisse. Certains Etats de la région et d'autres, à l'extérieur, affluaient frs lourds et dollars destinés à financer les conspirateurs. Des officiers burkinabès faisaient la navette entre les capitales(Paris-Abidjan-Bamako-Ouagadougou) pour recueillir les fonds
clandestinement, livrer des secrets sur les prétendues relations entre Sankara et le communisme international ou Mouammar el-Khadafi. Des documents truqués par des services secrets français remis à des chefs d'Etat africains. Selon eux, ces documents prouvaient qu'il allait inviter les Cubains de Fidèle Castro à venir s'installer au Burkina-Faso, ou même qu'il allait adhérer au Pacte de Varsovie.

Fils de paysan du nord-ouest de la Haute-Volta et militaire de carrière, Thomas Sankara aura été l'idole d'une jeunesse africaine en mal de héros et d'espérance politique. Sa carrière politique a été construite dans le sillage du mouvement révolutionnaire internationaliste. Son épreuve du feu politique se situe en 1972 à Madagascar, où jeune aspirant à l'Académie militaire d'Antsirabé, il assiste au renversement du président Tsiranana par une jeunte d'officiers marxistes. Mais sa vraie formation politique se fait au contact des révolutionnaires qui essaiment à Ouagadougou dans les années 60-70. Les évènements l'ont toujours mis aux avant-postes de la scène politique locale. C'est en 1981, en sa qualité de secrétaire d'Etat à l'information dans le gouvernement du colonel Sayé Zerbo(lequel venait de renverser le général Lamizana) qu'il s'illustre par sa verve déconcertante pour les habitués de la langue de bois. Son langage qui apparaissait à certains observateurs comme un discours novateur était considéré par d'autres comme une thématique éculée dans le langage politique de l'Afrique post-coloniale.

Familier de coups d'éclats, il démissionne avec fracas du Comité Militaire de Redressement National(CMRPN). C'est probablement sa protestation contre l'atteinte aux libertés qui lui vaudra l'admiration de beaucoup de ses jeunes compatriotes et de nombreux jeunes Africains, dont je fais partie. Son ascension est si fulgurante qu'il est nommé Premier ministre le 10 janvier 1983 par le commandant-médecin Jean-Baptiste Ouedraogo, nouvel homme fort du Conseil du Salut Public(CSP) qui venait de renverser le colonel Sayé Zérbo. Depuis cette date, il ne quitte plus les sommets de l'Etat. Ainsi, à l'issue du coup d'Etat du 4 août 1983, mené par son "ami"' le capitaine Blaise Compaoré, il devient président du conseil national de la Révolution, nouvelle instance du pouvoir à Ouagadougou. Son action était ponctuée par des attitudes populaires: jouer de la guitare, rouler en R5, faire du vélo, etc...toujours fidèle à son colt de soldat, il dérangeait le protocole des conférences internationales. Il souhaitait changer son pays le plus vite possible en faisant appel à l'effort de chacun: participation de la population à la construction d'une nouvelle voie ferrée, campagne de reboisement du Sahel, obligation hebdomadaire pour les hommes d'effectuer des travaux ménagers. Partisan du développement autocentré, il avait pour ambition de donner à son pays les moyens de son autosuffisance, menant des campagnes "acheter burkinabé" en parallèle avec la mise en place d'un système d'autofinancement des projets de développement. Maniant le symbole, il remplace le nom de ce qui était jusque-là la Haute-Volta par "Burkina-Faso" ou le "pays des hommes intègres" et lance des programmes d'alphabétisation en langues locales.

Sa réussite la plus tangible fut de faire vacciner contre la rougeole, la fièvre jaune et la méningite près 2 500 000 enfants en l'espace de quinze jours. Cependant si sa politique de "déconnexion", à contre-courant de la vague libérale des années 80, a retenu l'attention internationale, elle a d'autant fait ouvrir les yeux la jeunesse montante d'Afrique. Sa fin tragique et non encore élucidée. Le 15 octobre 1987, après un combat fratricide opposant ses fidèles à ceux de Blaise Compaoré, Sankara est mort. est-il mort ? Non, il est immortel. Je me demande jusqu'à présent, comment a-t-on pu élimer physiquement un tel homme? une telle grandeur? Thomas Sankara nous a laissés, nous jeunes africains, un style, une inspiration, une ligne à suivre. Les assassins ont certes supprimé l'homme, mais pas son oeuvre. Ton petit frère de sang ne te lâchera jamais. Merci Sankara.

Ibrahima BAH


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