L'un des �l�ments les plus surprenants sur la classe politique gabonaise est qu'elle ne sait pas tenir compte des erreurs du pass�. S'il y a une chose que l'histoire politique du Gabon depuis 1989 a d�montr� au pays, c'est qu'il n'est pas possible d'obtenir une �lection juste et correcte dans un �tat de flou constitutionnel. Et s'il y a un �chec � attribuer � la conf�rence nationale, cet �chec concerne principalement le fait que la classe politique gabonaise ne se soit pas livr�e � de vraies r�formes de fond. En d'autres termes, la classe politique gabonaise, et principalement les opposants gabonais, se sont content�s de demander au r�gime Bongo de lib�raliser le syst�me politique en changeant quelques articles de la constitution gabonaise. Mais personne n'a propos� une r�vision totale du syst�me bas�e sur une autre mani�re de voir les choses.
Le r�sultat le plus �vident de ces �checs est que le r�gime Bongo a continu� � manipuler le syst�me sous le nez et la barbe de la classe politique. Ces erreurs, si on les analyse de pr�s, ont �t� dues aux ambitions d�mesur�es des uns et des autres. Autrement dit:
- La classe politique n'a jamais song� � une autre mani�re d'organiser le syst�me politique du Gabon - les principaux opposants pensaient surtout � l'urgence de remplacer Bongo et de jouir, comme lui, des pleins pouvoirs; ils n'ont jamais vraiment pens� � la n�cessit� de pousser le r�gime � faire des r�formes de fond.
R�sultat: ann�e apr�s ann�e, et �lection apr�s �lection, Bongo s'est jou� d'eux comme des enfants, car ils �taient tellement omnibul�s par la soif de gagner qu'ils en ont oubli� l'essentiel qui consiste � obtenir de vraies r�formes. La conf�rence nationale tout comme les fameux Accords de Paris ont donc �t� des �checs parce que les n�gociations n'ont jamais �t� ax�es sur des r�formes totales, mais plut�t sur le superficiel. Le but, pour les opposants gabonais, a toujours tourn� autour de leurs personnes car ce qui �tait important pour eux, c'�tait de remplacer Bongo en s'installant tout simplement dans les m�mes structures d'ill�galit� constitutionnelle. Nos opposants ont voulu mettre la charrue avant les b?ufs. Tout ce qu'ils voyaient, c'�tait la pr�sidence de la r�publique. Ils s'imaginaient � la place de Bongo, mais n'ont jamais song� au chemin � parcourir pour se retrouver � cette place.
En fait, ils ont compt�, bien na�vement, sur la bonne volont� de Bongo, mais n'ont jamais song� � r�clamer des r�formes qui auraient pu emp�cher le r�gime de manipuler les �lections. Voil� pourquoi nous nous �tonnons encore aujourd'hui de voir la classe politique gabonaise se lancer, comme des moutons de panurge, dans des �lections dont on conna�t d'avance la finalit�. S'il y a des le�ons � tirer des �lections qui se sont pass�es au Gabon depuis 1990, on peut conclure � ceci:
- Bongo n'acceptera jamais de perdre une �lection au Gabon tant qu'il sera vivant. Bongo n'est pas un Abdou Diouf et ne peut �tre consid�r� comme un d�mocrate capable de quitter le pouvoir par une d�faite qui donnerait le pouvoir � l'opposition. Il a trop peur de ce que le nouveau r�gime lui ferait si un jour les Gabonais voulaient lui demander des comptes. - Bongo, s'il doit quitter le pouvoir, voudrait se prot�ger. Il n'acceptera de se retirer que quand il saura qu'il s'est trouv� un rempla�ant qui pourrait prot�ger ses arri�res quand il ne sera plus l�. Au mieux, il trouvera quelqu'un au sein de son r�gime qui pourra continuer l'?uvre de destruction bongo�ste. Au pire, il mettra son propre fils au pouvoir, car ce sera plus rassurant pour lui et pour son r�gime. Parce que ce sont l� les plans de Bongo et de son r�gime, Bongo sait donc qu'en manipulant bien l'opposition, il arrivera facilement � ses fins. De quoi Bongo a-t-il besoin pour r�ussir son plan?
Il a besoin du concours de l'opposition gabonaise. En d'autres termes, � chaque fois que Bongo organise une �lection, il sait que victoire ou pas victoire, il gagnera chaque �lection par la fraude. Puisqu'il contr�le la t�l� et les m�dias, il lui suffit de d�clarer qu'il a gagn� et le pays n'a alors d'autre choix que d'accepter, ou se de se r�volter. Bongo a donc juste besoin de la participation de l'opposition pour valider et l�gitimer ses "victoires" frauduleuses. Ainsi, � chaque fois que notre opposition participe � une �lection au Gabon, elle valide et l�gitimise la fraude de Bongo qui peut alors dire au monde que son parti et lui-m�me ont gagn�. Dans un tel contexte, faire des boycotts post-�lectoraux comme ceux de Mba Abessole ne servent � rien si le vote s'est d�j� tenu. Ce qu'il faut, c'est, en fait, proc�der de mani�re plus strat�gique en anticipant les probl�mes et en les analysant d'avance avec un esprit froid. Il vaut donc mieux pr�venir un d�sastre que le gu�rir. Si la v�rit� est que Bongo a besoin de la participation de l'opposition pour l�gitimer son pouvoir, pourquoi l'opposition gabonaise s'ent�te-t-elle � participer � des �lections dont le gagnant est connu d'avance? Si l'opposition gabonaise est s�rieuse dans son combat pour le changement et veut vraiment, patriotiquement, mener au changement, ne convient-il pas qu'elle s'arr�te un moment pour penser � une autre mani�re de faire?
La r�ponse est simple:
- L'opposition gabonaise, de Mamboundou � Mba Abessole, Agongjo et tous les autres, est totalement corrompue et complice du r�gime Bongo. C?est ce qui la pousse � accepter des postes politiques ici et l� dans des mairies et autres en �change de la p�rennit� du r�gime en place, car on se partage le g�teau gabonais. - L?opposition est totalement irresponsable et na�ve d'esp�rer, �lection apr�s �lection, de gagner un combat perdu d'avance.
Voil� pourquoi nous pensons que s'il reste un soup�on d'intelligence � l'opposition gabonaise, et s'il reste � la classe politique et civile gabonaise un minimum de patriotisme, aucune �lection ne doit plus se tenir au Gabon sans qu'il y ait eu des r�formes de fond. Car, il faut d�s aujourd'hui tracer le chemin qui demain assurera la paix et la coh�sion au pays. Tout ce que nous risquons, si les �lections l�gislatives actuellement pr�vues pour d�cembre 2001 se tiennent sans r�formes pr�alables, ce sont des bains de sang et des violences qui ne seront pas bonnes pour le pays. Le mieux donc, dans ce cas, est de ne pas faire comme les animaux qui retombent toujours dans le m�me pi�ge qui leur a, auparavant, fait perdre une patte. Ce que la classe politique gabonaise doit faire c'est refuser de tenir une �lection quelconque au Gabon tant que de vraies r�formes n'ont pas �t� mises en place.
Le document que nous avions produit dans le cadre de la pr�paration du Congr�s Inter-Gabonais de Salut National r�sume donc sans ambigu�t� l'esprit des r�formes dont le Gabon a besoin pour se sortir d'affaire � tous les niveaux. Nous avions choisi de tenir ce Congr�s en Octobre 2001, c?est-�-dire deux mois avant les �lections l�gislatives parce que nous pensions que tenir une �lection l�gislative telle que le pays la planifie n?a aucun sens sans le type de r�formes que le BDP propose. Nous voulions aussi profiter de la p�riode de campagne pour demander � la classe politique et civile de se mettre d'accord sur nos propositions et d?accepter de r�former de fond en comble le syst�me avant toute nouvelle �lection au Gabon. Le Congr�s Inter-Gabonais de Salut National (CIGASANA) vient par cons�quent d?ent�riner un certain nombre d?id�es au travers de r�solutions qui proposent, non seulement le report de l?�lection l�gislative, mais aussi une r�forme qui garantira la tenue transparente des �lections dans le cadre du calendrier �lectoral suivant:
1) Tenue d?un r�f�rendum qui ent�rinera les propositions du Congr�s en vue d?une r�forme g�n�rale. Il s?agirait surtout ici de valider la nouvelle constitution sortie du Congr�s et de mettre en ?uvre toutes les r�formes propos�es afin de faciliter un changement patriotique dans la paix des braves.
2) Repousser les l�gislatives � 6 mois plus tard et les inclure dans un processus d?�lections g�n�rales (pr�sidentielles, l�gislatives, conseil des sages, gouverneurs, municipales) qui se tiendront dans le cadre d?un syst�me totalement r�form� � la suite d?un pacte de r�conciliation nationale.
Importante dans les r�formes propos�es sera la cr�ation d?un nouveau syst�me pr�sidentiel (Pr�sidence symbolique � rotation), la mise en place d?une structure parlementaire et ex�cutive totalement r�form� et l?�tablissement d?un v�ritable �quilibre des pouvoirs qui rendra � la justice son vrai r�le de garant ind�pendant et neutre des libert�s citoyennes. En d?autres termes, les r�formes propos�es par le Congr�s consistent � donner au pays une constitution totalement nouvelle bas�e sur une r�forme globale de notre syst�me politique, ce qui m�nera � la naissance d?un �tat de droit, � la pr�servation de la paix et � l'�panouissement multisectoriel des Gabonais. Le nouveau calendrier politique, qui tiendrait compte des r�formes propos�es, se passerait donc de cette mani�re:
- D�cembre 2001: report des l�gislatives � juin 2002. - D�cembre 2001: R�f�rendum ent�rinant les r�formes sorties du Congr�s. - Janvier 2002: gouvernement de transition, qui sera en place jusqu'aux �lections g�n�rales de juin 2002. - Janvier 2002: mise en place de toutes les structures �lectorales ind�pendantes et d�but d'application des r�formes pour une passation des pouvoirs en douceur apr�s les �lections g�n�rales de juin 2002. - F�vrier-Juin 2002: campagne �lectorale sous les nouvelles lois constitutionnelles en vue des �lections g�n�rales. - Juin 2002: Elections g�n�rales (pr�sidentielles, l�gislatives, conseil des sages, locales, etc.). - Juin 2002: application g�n�rale des r�formes (nouveau pr�sident sous le r�gime symbolique � rotation, nouvelle Assembl�e nationale, gouvernement nouveau style, mise en place du Conseil des Sages, etc.).
De mani�re g�n�rale, si tout se passe bien et si la classe politique et civile gabonaise se met d?accord, repousser les �lections l�gislatives de 6 mois pour un nouveau d�part serait quelque chose de positif pour le pays car les l�gislatives se passeront dans un cadre propre, et nous d�buterons avec un nouveau syst�me politique sous une nouvelle constitution. Il revient donc � la classe politique, aussi bien de l'opposition que du r�gime en place, de prendre un temps d'arr�t pour consid�rer, dans la neutralit� des r�solutions du CIGASANA, une nouvelle mani�re de voir et de faire la politique au Gabon. Il leur faut choisir une voie qui, une fois pour toutes, r�formera totalement le syst�me politique et constitutionnel au Gabon, en vue d'un changement durable.
Voil� pourquoi la classe politique au sein du pouvoir comme dans l'opposition doit oublier ses int�r�ts personnels et partisans et repousser ces �lections pour s'occuper d'abord de tout remettre en question par une r�forme globale. Sans cela, c?est le chaos.
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