LIBREVILLE, 16 mars (AFP) - 9h21 - Le Gabon prend conscience du phénomène du trafic d'enfants en Afrique de l'Ouest et centrale, dont il est l'une des principales destinations, se réjouissent observateurs et ONG. Ce trafic, dont le nombre de victimes est très difficile à évaluer, concernerait un minimum de 2.000 enfants, selon les chiffres généralement admis par les ONG spécialisées.
Il y a un an encore, les autorités refusaient d'admettre l'existence d'un phénomène pourtant largement visible dans Libreville, où l'on croise régulièrement les "bassines qui marchent", des petites vendeuses de rue, arpentant trottoirs et marchés, une bassine chargée de bananes, bonbons ou cacahuètes sur la tête.
"Je ne connais pas où se passe ce genre de commerce au Gabon", avait déclaré en avril 2001 le président gabonais, Omar Bongo, précisant que son pays "n'a pas la garde des enfants de la rue, ni des enfants qui travaillent dans les plantations de cacao et de café".
Si aujourd'hui, le Gabon admet l'existence du trafic et émet la volonté de le combattre, il s'en considère avant tout victime.
"Le Gabon (...) se trouve au coeur de ce débat et curieusement davantage dans la position de coupable désigné plutôt que dans celle, plus juste, de victime", déclarait mercredi le vice-président gabonais, Didjob Divungi Di Ndinge, s'exprimant au nom du président Bongo, à l'ouverture des travaux de la deuxième consulation sous-régionale sur le sujet à Libreville.
"Si on compare la situation actuelle à celle de l'année dernière, c'est vrai que c'est beaucoup mieux au niveau politique", reconnaît un membre d'une ONG à propos de ces enfants venant de communautés étrangères.
Les enfants arrivent au Gabon en provenance de trois pays: Bénin et Togo pour les filles, qui travaillent comme domestiques, vendeuses, voire les deux, et Nigeria pour les garçons qu'on retrouve dans les garages, les ateliers ou les secteurs de la pêche.
Or, les observateurs s'accordent à dire que si la plupart des enfants sont placés chez des personnes ayant la même nationalité qu'eux, certains Gabonais emploient désormais eux aussi ces gamins.
Les trafiquants issus des communautés d'origine des enfants arrivent à gagner la confiance des parents et se voient confier leur progéniture, mais des intermédiaires gabonais interviennent aussi pour placer les enfants auprès de leur relations gabonaises, ajoute ces observateurs.
L'un d'entre eux note que les trafiquants ne peuvent entrer au Gabon que grâce à des complicités locales, soulignant que "certains noms de trafiquants sont connus, des lieux de débarquement identifiées" même si les pirogues interceptées restent rares".
Un "déficit de textes" et une "absence de procédure claire" empêchent la police de lutter efficacement contre le trafic, plaide de son côté le préfet de police adjoint de Libreville, le colonel-major Ondo Ngwa Metongo.
Certains textes existent pourtant, rappelle Marie Blanche Mbabiri, substitut du Procureur de la République, notamment dans le code du travail.
Le Gabon a présenté en juin 2001 un projet de loi réprimant le travail des enfants, et le président Bongo a signé une ordonnance réprimant le trafic et l'exploitation économique des mineurs en territoire gabonais. Ce texte pris à l'intersession parlementaire, doit maintenant être ratifié par l'Assemblée élue en décembre 2001.
Au niveau régional, le Gabon a présenté au cours de la conférence de Libreville un projet de convention aux 13 autres pays participants, qui met notamment l'accent sur "le rapatriement des enfants victimes du trafic".
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