Le parquet de Paris va ouvrir une enquête préliminaire sur les propos de l'humoriste Dieudonné concernant la mémoire de la Shoah, qui ont suscité un tollé en France où il est accusé d'antisémitisme, a-t-on appris lundi de source judiciaire.
Cette enquête préliminaire, qui sera ouverte lundi soir ou mardi matin au plus tard, a été diligentée à la demande du ministre de la justice Dominique Perben. Elle sera confiée à la brigade de répression de la délinquance contre la personne de la préfecture de Police de Paris, a-t-on précisé de même source.
Cette enquête préliminaire vise notamment à établir les propos précis de Dieudonné et à déterminer dans quelle mesure ils peuvent faire l'objet de poursuite puisque prononcés à l'étranger.
Lors d'une conférence de presse mercredi à Alger pour présenter son spectacle, Dieudonné a parlé de "pornographie mémorielle" à propos de la mémoire de la Shoah, selon une bande audio diffusée par le journal en ligne Proche-Orient.info.
Interrogé vendredi par l'AFP, il a confirmé avoir utilisé cette expression, précisant: "je n'ai pas qualifié la Shoah de pornographie mémorielle , j'ai parlé de l'exploitation du souvenir de la Shoah et j'ai cité l'historienne israélienne Idith Zerthal".
L'humoriste a redonné cette explication samedi lors d'une conférence de presse à Paris, où l'enregistrement des propos incriminés a été diffusé, se posant en victime d'une "manipulation" et "d'une affaire bis du RER D", référence à une fausse agression antisémite en 2004 inventée par une affabulatrice.
Il a également regretté une "différence de traitement dans la mémoire" des crimes contre l'humanité.
"Pourquoi n'y a-t-il pas de commémoration aussi importante des 400 ans de l'esclavage?", a demandé l'humoriste qui s'exprimait au théâtre de la Main d'Or (XIe arrondissement), qui programme sa pièce "Mes excuses".
Il a regretté une "hypertrophie qui existe dans la communication sur la commémoration de la Shoah", qualifiée de "crime contre l'humanité inqualifiable". La Shoah est un "drame que je n'ai jamais remis en cause, qui appartient à l'histoire de l'humanité, qui est terrible", a-t-il ajouté.
Poursuivi à plusieurs reprises pour des propos jugés antisémites par ses détracteurs, l'humoriste a jusqu'à présent été relaxé.
Par ailleurs, le journaliste et écrivain franco-ivoirien Serge Bilé, auteur d'un ouvrage intitulé "Noirs dans les camps nazis" refuse d'être utilisé par Dieudonné pour "étayer (ses) propos, scandaleux", sur la Shoah, écrit-il lundi dans un communiqué.
Dieudonné, qui s'expliquait samedi, lors d'une conférence de presse, sur ses propos concernant les célébrations de la Shoah, a montré le livre de Serge Bilé pour souligner que les noirs avaient eux aussi été des victimes du nazisme.
"Je ne crois pas, contrairement à Dieudonné, à la concurrence des victimes , écrit Serge Bilé. Toutes les douleurs sont à respecter et je n'ai pas besoin, pour dénoncer ou commémorer la traite négrière, d'agresser qui que ce soit, ni de minimiser la souffrance de qui que ce soit".
"Ma démarche, avec ce livre (édité au Serpent à plumes, ndlr), poursuit-il, consiste, uniquement, à rappeler qu'il est temps de prendre en compte la douleur des nôtres dans la grande histoire de la seconde guerre mondiale".
"Je précise, enfin, que Dieudonné n'est, pas plus que moi, le porte-parole de la communauté noire de France. Il ne représente que lui-même et ceux qui veulent bien le soutenir dans son jusqu'au-boutisme. Je m'attacherai, quant à moi, toute ma vie, à combattre le racisme sans faire de racisme à rebours, et à me battre, avec constance, pour la dignité des miens, encore trop souvent bafouée, sans attenter à la dignité de l'autre", conclut Serge Bilé.